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Épidémies, violences policières et dépressions : ce que la France offre aux réfugiés de Calais
Article mis en ligne le 28 octobre 2015

De retour d’une mission humanitaire en Bolivie, une jeune psychologue française raconte la « jungle » de Calais. Avant de repartir en mission avec Action contre la faim, Sadia Diloo a accompagné bénévolement, pendant un mois, les réfugiés, malades ou blessés, qui vivent dans ce camp. À son poste de médiateur sociosanitaire pour l’association Médecins du monde, elle a observé et écouté ce que vivent les hommes, femmes et enfants, qui sont parqués dans la « jungle », tels des animaux. Elle raconte leurs épouvantables conditions de survie.

L’organisation Médecins du monde a d’ailleurs déposé plusieurs réclamations auprès du Défenseur des droits, Jacques Toubon.

Interpellé par plusieurs associations en janvier dernier, il s’est saisi d’office et a déclenché une enquête après la diffusion, en mai, d’une vidéo dans laquelle des migrants sont violentés par des CRS. Dans son rapport du 6 octobre 2015, il dénonce les atteintes aux droits fondamentaux et les conséquences humaines de la « fermeture étanche de la frontière » franco-britannique. « Il a assuré à l’ONG l’ouverture de cinq enquêtes liées à des violences policières », précise la psychologue. Ce type d’exactions se déroule aussi aux abords du camp. Sadia Diloo n’oubliera pas ce jour où le mot d’ordre était de « ramener tout le monde à l’intérieur ». C’était le 21 septembre. L’opération policière lancée ce jour-là répondait à une décision judiciaire suite aux plaintes du voisinage hostile à la présence d’environ 200 Syriens installés près du port.

Les forces de l’ordre avaient pour mission de démanteler le moindre campement « sauvage », y compris les quelques familles établies autour de la « jungle ». « C’était d’une violence incroyable », les CRS hurlaient les ordres dans un mégaphone dernier cri avec traduction instantanée en arabe. « Ils ont fini par détruire les baraquements à coup de bulldozer. La scène a viré à l’émeute. Ils se sont mis à tirer des cartouches de lacrymo. Un homme, asthmatique, a été touché. Son cœur s’est arrêté. » « La jungle c’est pour les animaux, on n’est pas des animaux ! », scandent les révoltés délibérément parqués dans le camp. Au lendemain des évènements, la maire de Calais, Natacha Bouchart (Les Républicains), s’est félicitée de cette intervention : « Pour qu’il y ait de l’humanité, il faut aussi de la fermeté », avait-elle déclaré à la presse. « Ils sont surveillés en permanence », s’indigne Sadia. À l’écouter parler des policiers postés aux quatre coins du terrain, ce camp ressemble à une prison où l’humanité n’est pas la priorité des matons.

« L’état dépressif est devenu la norme »

L’homme asthmatique est sain et sauf, réanimé par les médecins à la clinique. Chaque jour, Sadia et ses collègues y reçoivent entre 50 et 70 patients. La plupart souffrent de problèmes liés à l’humidité (toux, nez bouché), au manque d’hygiène (infections gastro-intestinales) et aux blessures à la frontière (barbelés plantés dans la peau, fractures aux talons, etc.). « Sans compter l’épidémie de gale. Les traitements sous forme de spray, fournis par les services du ministère de la Santé, ne permettent pas d’enrayer le phénomène [1]. C’est le camp entier qu’il faudrait désinfecter. » Mais le plus difficile à soigner, c’est le traumatisme psychologique causé par la guerre. (...)