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Enfants placés : « Maintenir l’unité des fratries doit être une priorité »
Article mis en ligne le 4 mai 2019
dernière modification le 3 mai 2019

Alors qu’une proposition de loi sur l’Aide sociale à l’enfance doit être débattue lundi, Fouzy Mathey Kikadidi, ballottée de foyers en familles d’accueil pendant dix-huit ans, alerte sur l’urgence de mieux protéger les 300 000 jeunes concernés.

(...) Elle avait 3 ans. « Nous venions d’arriver du Congo-Brazzaville, ma mère, mes deux frères et moi. Mon grand-père et ma tante nous hébergeaient mais les choses ont très vite dégénéré. Il y avait de la folie dans cet appartement. » A la sortie de son hospitalisation, la fillette est placée dans un foyer du Val-de-Marne avec ses deux frères. Le début d’un parcours de vie tumultueux : enfant de l’Aide sociale à l’enfance (ASE) durant dix-huit ans, la jeune fille connaîtra la séparation imposée à sa fratrie dès 1993, puis deux familles d’accueil, quatre déménagements, neuf établissements scolaires.

Aujourd’hui, Fouzy Mathey Kikadidi a 30 ans. Elle s’est installée dans le XIVe arrondissement de Paris. Cofondatrice de Repairs ! 94, un réseau d’entraide aux jeunes sortant de foyers et de familles d’accueil, elle vient de présider un groupe de travail gouvernemental sur la question de l’ASE. Un engagement loin d’être anecdotique : si le secrétaire d’Etat à la Protection de l’enfance, Adrien Taquet, annonce vouloir lancer une refonte du système avant le début de l’été, la militante a « conscience que le milieu associatif ne devra rien lâcher s’il veut obtenir de réelles améliorations ».

Entre expériences personnelles et revendications politiques, Fouzy Mathey Kikadidi alerte dans Libération sur l’urgence de « changer le destin des 300 000 enfants placés de la République ». (...)

Actuellement, certains départements autorisent ou non ces contrats selon leur bon vouloir. C’est souvent au détriment des jeunes un peu paumés, pas franchement sûrs d’eux, qui se présentent devant l’inspecteur avec un projet d’avenir légèrement bancal. Mais qui est vraiment sûr de lui à 18 ans ? La coercition est nécessaire pour combler cette injustice. Toutes les associations en sont persuadées et viennent de créer le collectif Cause majeur pour dire stop à ces inégalités selon les départements. (...)

L’une des priorités du futur « pacte pour l’enfance » concernera la lutte contre les maltraitances au sein des institutions. Que suggérez-vous ?

Premièrement, il faut sanctionner les services d’ASE qui laissent des gosses de 15 ans livrés à eux-mêmes dans des chambres d’hôtels, faute de place en foyers. C’est inacceptable. Deuxièmement, il faut mettre en place des inspections régulières, surprises et externalisées, dans tous les établissements et les familles d’accueil du pays. Et il est grand temps de s’y atteler ! La qualité du recrutement et du suivi des professionnels de l’ASE est désastreuse. Alors que les violences faites aux enfants placés sont innombrables. Je connais peut-être une seule personne dans mon entourage qui n’a pas été abusée sexuellement lors de son parcours. Sans compter les autres violences physiques, les sévices psychologiques, les négligences… Mon frère aîné a passé deux ans dans une famille d’accueil qui le maltraitait parce qu’il était noir. Deux années avant que les inspecteurs saisissent l’ampleur de la catastrophe. Ils n’avaient rien vu. Forcément, ils annonçaient toujours leur visite en amont. (...=)

Je me souviens de cette compétition de gymnastique à laquelle je voulais participer : ça se déroulait dans une ville trop lointaine pour que mes parents d’accueil puissent être intégralement remboursés par l’ASE des frais de transport… Alors ils ont décidé de ne pas m’y emmener. Un enfant doit être élevé par amour, sinon il grandit avec un trou dans le cœur. La seule notion de protection ne suffit pas.