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Observatoire des inégalités
En finir avec la fabrique des garçons
Article mis en ligne le 8 mars 2015
dernière modification le 7 mars 2015

Si au collège, les garçons posent plus de problèmes et ont davantage de difficultés scolaires que les filles, c’est peut-être parce que la société leur envoie des messages paradoxaux. Le point de vue de Sylvie Ayral, professeure agrégée et d’Yves Raibaud, géographe (CNRS). Extrait du quotidien Libération et du journal du CNRS.

L’injonction sociale à la virilité

Très jeunes et surtout pendant les années de collège, période où la puberté vient sexuer toutes les relations, les garçons se retrouvent en effet pris entre deux systèmes normatifs. Le premier, véhiculé par l’école, prône les valeurs de calme, de sagesse, de travail, d’obéissance, de discrétion, vertus traditionnellement associées à la féminité. Le deuxième, relayé par la communauté des pairs et la société civile, valorise les comportements virils et encourage les garçons à tout le contraire : enfreindre les règles, se montrer insolents, jouer les fumistes, monopoliser l’attention, l’espace, faire usage de leur force physique, s’afficher comme sexuellement dominants… Le but est de se démarquer hiérarchiquement et à n’importe quel prix de tout ce qui est assimilé au « féminin », y compris à l’intérieur de la catégorie « garçons », quitte à instrumentaliser l’orientation scolaire, l’appareil disciplinaire ou même la relation pédagogique (qui, ne l’oublions pas, est une relation sexuée). Cette injonction paradoxale traduit celle de nos sociétés contemporaines qui acceptent la coexistence du principe d’égalité entre les femmes et les hommes et d’une réalité fondée sur l’inégalité réelle entre les sexes, dans tous les champs du social.

Ainsi le problème n’est pas de « sauver » les garçons, ni de lutter pour l’égalité entre les filles et les garçons, ni même de combattre une homophobie qui structure leur construction identitaire. Le problème est d’en finir avec la fabrique des garçons. D’explorer la manière dont familles, école et société projettent sur les « petits mâles » des rêves, des désirs ou des fantasmes qui influent sur leur identité et leur carrière. De décrypter les situations qui permettent à ces enfants d’intégrer et d’expérimenter les mille et une ficelles du métier d’homme. Et de contrer enfin les mécanismes de séparation et de hiérarchisation des sexes à l’œuvre à l’école et dans les activités périscolaires. Tout ce qui encourage les enfants de sexe masculin à réprimer peu à peu leurs goûts personnels, leurs émotions, leurs affects, à rompre la relation à eux-mêmes et à autrui.

Cette fabrique des garçons se prolonge hors de l’école. Dans un cadre que les enfants choisissent progressivement eux-mêmes et qui tend à la séparation des sexes, les activités périscolaires, culturelles et sportives participent fortement à la construction d’identités sexuées stéréotypées. (...)

Alors comment en finir avec cette fabrique des garçons ? L’expérience récente le prouve : aborder la lutte contre les stéréotypes sexués à l’école sous le seul angle de la promotion des filles s’avère peu efficace. Combien de chartes, de conventions pour l’égalité entre les filles et les garçons ces dernières années ? Pour quels résultats ? C’est en envisageant globalement l’éducation des garçons, non en réplique aux acquis des filles mais en complémentarité, que les choses pourront évoluer. (...)