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En Tunisie, les mouvements sociaux cherchent à s’unifier
Article mis en ligne le 21 mai 2017

Après s’être démultipliés dans la dynamique du printemps arabe, les mouvements sociaux tunisiens ont eu tendance à se disperser. Ils amorcent désormais une réflexion commune pour faire valoir un autre modèle de développement économique et social pour la Tunisie. Retour sur le premier congrès des mouvements sociaux qui s’est tenu à Nabeul les 25 et 26 mars 2017, dans lequel se sont impliqués plusieurs partenaires du CCFD-Terre Solidaire.

(...) « C’est la première fois depuis l’indépendance que les mouvements sociaux, de toutes les régions et sur toutes les thématiques, se réunissent ».

En janvier 2011, la chute de la dictature de Ben Ali avait soulevé en Tunisie un couvercle posé sur une immense frustration sociale. Depuis, les mouvements sociaux ont proliféré et des centaines d’associations créées :

 Mobilisations de diplômés chômeurs contre le trafic dans les embauches ;
 protestations locales contre la pollution industrielle ;
 conflits autour de la distribution d’eau ;
 revendications d’ouvrières privées de leurs droits élémentaires ;
 demande de titularisation des travailleurs précaires…

C’est toute la Tunisie laissée-pour-compte qui s’est agitée dans une myriade de mobilisations locales. Mais sans mots d’ordre communs, ni stratégie.

Un début de prise de conscience

Ghassen Henchiri, membre de l’Union de diplômés chômeurs et président de ce premier congrès des mouvements sociaux, explique :

« Après la dictature, les mouvements populaires n’étaient pas préparés à organiser, à revendiquer, à négocier ».

Abderahmane Hedhili dresse quant à lui un constat sans concession :

« Les conflits régionalistes, le chacun pour soi au sein même des différents mouvements, l’absence de conscience commune ont empêché les mobilisations de s’imposer et la question sociale de devenir centrale après la révolution ».

Structurer la nébuleuse

Le Forum tunisien des droits économiques et sociaux a entrepris depuis bientôt deux ans de faciliter la structuration de cette nébuleuse.
D’abord en approchant les différentes mobilisations, en fournissant des appuis ponctuels à leur action ; puis en favorisant des rencontres, notamment par l’organisation d’une université d’été des mouvements sociaux en septembre dernier. (...)

S’unir pour peser davantage sur le politique

Le premier acquis du congrès des mouvements sociaux est ainsi d’avoir défini un « cadre unificateur », organisé de manière non hiérarchique et horizontale pour éviter les risques de confiscation de la parole et de concentration du pouvoir. (...)

L’un des objectifs du congrès était aussi de conjurer le découragement.
L’un des participants raconte :

« Nous avions touché le fond. Nous avons tout essayé, les sit-in devant les administrations, les blocages de route, les immolations, les grèves de la faim, les mises en scène de suicides collectif… Tout cela pour qu’à la fin, au mieux on nous propose au mieux des emplois précaires payés 200 dinars par mois (80 euros). Nous n’avons plus rien à perdre ! »

Face à la demande sociale, l’Etat tunisien n’a en effet guère d’autre solution que de recourir à des embauches dans les "chantiers de développement ", de fait des emplois quasiment fictifs et sans aucune garantie. (...)
La déclaration finale insiste également sur le rapprochement de la question sociale et de la justice environnementale.
De nombreuses mobilisations se produisent en effet sur fond de problèmes écologiques en Tunisie. L’extraction du phosphate dans le bassin minier de Gafsa, sa transformation par l’industrie chimique à Sfax ou à Gabès dont le golfe et l’oasis maritime (Chenini) ont été quasiment détruits par les rejets de phosphogypses et l’épuisement de la nappe phréatique.
De même dans l’île de Kerkennah où l’extraction d’hydrocarbure ne respecte pas les normes écologiques…
Or, préservation de l’environnement et création d’emplois sont souvent opposées l’une à l’autre. L’un des principaux axes de la déclaration finale du congrès est donc d’affirmer que ces dimensions sont liées et non pas contradictoires (...)