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on n’est pas des moutons
« En Europe, il est temps d’arrêter de bricoler »
Benjamin Coriat
Article mis en ligne le 5 février 2015

Pour l’économiste, l’Union européenne peut et doit négocier avec la Grèce. Comme elle doit complètement revoir sa politique économique.

Benjamin Coriat est membre du Collectif d’animation des Économistes atterrés, professeur à l’université Paris 13. Très attentif à l’évolution de la situation grecque depuis plusieurs années, il est un opposant acharné aux politiques d’austérité imposées en Europe. Il pense que Syriza peut réussir à redresser la Grèce, à condition qu’on lui donne « un petit peu de temps. »

Alexis Tsipras est l’objet de nombreuses critiques issues du camp libéral européen. On lui reproche notamment un programme « démagogique ». Que répondez-vous ?
Je dis qu’il ne faut pas aller plus vite que la musique. Le peuple grec vient de donner un mandat tout à fait clair à Tsipras. Il faut lui donner un tout petit peu de temps. Et il faut être très gonflé pour dire que le programme de Syriza est démagogique !

C’est un programme d’urgence. En tout cas une de ses dimensions est celle de l’urgence.

Nous sommes devant un programme de rétablissement de conditions alimentaires, de conditions de santé, pour le minimum, pour ce que les gens de Syriza nomment leur « programme humanitaire ». Ça, c’est totalement indispensable.

Après, sur la question de la relance économique proprement dite, il est certain qu’il faut leur laisser du temps pour réfléchir un peu. Les choses ne peuvent pas se faire d’un coup de baguette magique. Il faut qu’ils pensent à un certain nombre d’avantages relatifs susceptibles d’être exploités. Je pense à des choses, hors l’agriculture et le tourisme que tout le monde connaît, comme l’énergie solaire avec laquelle ils ont certainement des pistes à suivre… je le répète il faut leur laisser du temps.

Que l’union européenne se montre intraitable, qu’elle montre ses muscles pour essayer de décourager la Grèce, n’est pas surprenant. Mais l’UE a déjà accordé des délais à l’Espagne, elle a accordé des délais au Portugal, elle a accordé des délais à la France… et donc on verra bien ce qu’il en résultera avec la Grèce. Pour le moment nous sommes dans un jeu réciproque de démonstration des forces. (...)

J’ai bien suivi l’affaire grecque. Un premier plan a été fait pour faire revenir la Grèce à l’équilibre en trois ans. Il a fait plonger la Grèce en termes de PIB, et il a accru la dette au point qu’il a fallu la restructurer. Le deuxième plan qui a été lancé devait permettre à la Grèce de revenir sur les marchés financiers en 2018… C’est une plaisanterie, tout ça ! Tout a échoué dans les grandes largeurs.

Faut-il suivre la Grèce jusqu’à effacer sa dette ? Peut-on seulement le faire et passer outre les traités européens ?
Non seulement on peut mais il faut. On l’a fait avec l’Allemagne d’après-guerre, on l’a fait avec l’Irak… De toutes les façons ou bien on efface une partie de la dette et les Grecs peuvent essayer d’en payer une autre partie sur une longue période, ou bien ils ne paieront rien du tout ! Ils sortent de l’euro et ils se déclarent en défaut. Ils ne vont pas sortir de l’euro avec en plus une dette de 350 milliards, due à des gens qui ne veulent pas lui donner le moindre crédit ! Il est de l’intérêt de tout le monde de trouver une solution. Bien entendu je ne veux pas dire qu’on va effacer 350 milliards. Mais une partie oui, le reste étant échelonné, c’est indispensable. (...)

Certains pensent que l’exemple grec ne peut pas se reproduire ailleurs sur le continent. La Grèce est-elle à ce point un cas particulier ?
Il est vrai qu’il y a de fortes particularités grecques. Mais on voit bien aussi qu’en Espagne le mouvement des Indignés s’est transformé en Podemos et qu’une possibilité de victoire de même nature qu’en Grèce existe. Dans le cas de la France, malheureusement, en termes de mobilisation économique on en n’est pas là. Mais la magnifique manifestation du 11 janvier montre que le peuple français a des valeurs, qu’il est prêt à les défendre. Pour le moment il ne s’est pas manifesté massivement sur des questions économiques mais ça peut venir. Une démonstration de cette ampleur-là, veut dire quelque chose sur les ressorts d’un peuple !