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En Espagne, une grève des loyers pour « sauver les personnes et confiner les privilèges »
Article mis en ligne le 21 avril 2020

En Espagne, le gouvernement a décidé de suspendre les expulsions et de réduire certains loyers. Estimant ces mesures insuffisantes, des associations ont décidé de lancer un appel à la grève des loyers. Elles réclament la réquisition des milliers de logements vides pour les sans abris et la restitution d’une partie des 65 milliards d’euros d’argent public qui ont sauvé les banques de la faillite après la crise financière.

Au sein d’une Europe qui peine à trouver une position commune face à la crise économique et sociale provoquée par la pandémie de Covid, l’Espagne fait figure d’exception. Le pays a adopté plusieurs mesures sociales à destination des foyers les plus vulnérables, notamment un moratoire sur les loyers. Pourtant, à y regarder de plus près, ces mesures sont loin d’être suffisantes. Associations et collectifs de locataires réclament beaucoup plus du gouvernement dirigé par le socialiste Pedro Sanchez. (...)

Le mécanisme proposé par le gouvernement dépend du type de propriétaires. Quand ces derniers possèdent plus de 10 immeubles ou plus de 1500 mètres carrés, ils auront le choix entre réduire le loyer de 50 % ou appliquer un moratoire pendant un maximum de 4 mois. Les locataires qui doivent négocier avec des propriétaires un peu moins fortunés – jusqu’à neuf biens immobiliers ou moins 1500 mètres carrés donc... – devront se débrouiller et trouver un arrangement seuls. Au pire, ils pourront solliciter un micro-crédit pouvant couvrir six mois de loyers à rembourser dans les six ans. Sans précision sur les taux d’intérêt qui leur seront appliqués.
« Si nous affrontons cette situation de manière individuelle et isolée, nous serons plus pauvres »

La plateforme d’associations pour la grève des loyers regrette que ces mesures « ne fassent que retarder les paiements pour des familles qui ont déjà du mal à payer leur loyer en temps normal ». Cette crise survient dans un contexte où la « bulle immobilière », encouragée par le secteur du tourisme, la spéculation et l’arrivée dans le secteur de grands fonds de pension, a fait monter les prix des loyers de manière vertigineuse : + de 50 % en moyenne en 5 ans en Espagne (...)

Plus de 200 organisations – syndicats de locataires, associations de petits propriétaires, très endettés depuis la crise financière de 2008 – reprochent au gouvernement de ne pas avoir suspendu purement et simplement les loyers. Leur mot d’ordre : « Nous ne touchons pas nos salaires, nous ne payons pas ! » [1] Pour ces associations « il est temps de sauver les personnes et de confiner les privilèges ». Elles réclament non seulement la suspension pure et simple du paiement des loyers ainsi que des remboursements d’emprunt pour les résidences principales et pour les locaux des petits commerces mais aussi la suspension du paiement des factures des services de base : eau, gaz et électricité. Enfin, elles demandent également de mettre à disposition des quelques 35 000 personnes sans abri les milliers de logements vides.
Saturer le système juridique et les procédures d’expulsion

Fernando Bardera, porte-parole du syndicat des locataires de Madrid, fustige ces « mesures light prises par le gouvernement ». « L’état d’urgence décrété par le gouvernement créé un déséquilibre immense qui va bénéficier une fois de plus aux secteurs les plus privilégiés, poursuit-il. Les travailleurs qui ne touchent plus de salaires, les indépendants qui ont du cesser leurs activités ou fermer leurs commerces ne peuvent plus payer leur loyer. Et doivent faire le choix entre se nourrir et payer leur logement. Pour eux, la grève des loyers n’est pas une option mais une nécessité. »

La légalité d’une telle grève fait déjà débat. Plusieurs juristes pensent que tôt ou tard les locataires devront bien finir par payer ou seront expulsés. Les associations de défense de locataires de leur côté comptent sur l’effet de masse d’un tel mouvement et, surtout, sur son impact politique. (...)

« S’il y a une pluie de recours juridiques contre les impayés, le système juridique va rapidement se trouver saturé. Et ils ne pourront pas expulser tout le monde. En tant normal, dans tout l’État il y a pratiquement une centaine d’expulsions chaque jour. Cela implique des moyens juridiques et policiers qu’ils ne pourront pas déployer si nous sommes très nombreux... (...)

15 000 personnes d’ores et déjà en grève de loyer

Pour faire face aux différents recours, la plateforme a mis en place une caisse de solidarité pour soutenir les locataires pris dans les procédures judiciaires que ne manqueront pas d’intenter les propriétaires. Elle a déjà recueilli 35 000 euros. (...)

En Grande-Bretagne et aux États-unis, un locataire sur trois n’a pas payé son loyer

Ces chiffres prometteurs sont néanmoins inférieurs au mouvement qui semble se dessiner dans d’autres pays comme en Grande-Bretagne ou aux États-Unis. Selon les chiffres du National Multifamily Housing Council, près d’un locataire sur trois n’a pas été en mesure de payer son loyer d’avril. Fernando Bardera note cependant que les impayés dans les autres pays ne sont pour l’instant pas organisés. (...)

Aux États-Unis, même encore partiellement organisé, le mouvement semble prendre de l’ampleur. Certains groupes de locataires réclament que Wall Street ou les banques, qui ont été sauvées de la faillite en 2008 grâce à des fonds publics, soient mis à contribution pour financer ces annulations. En Espagne aussi les grandes banques sont dans le viseur (...)