Bandeau
mcInform@ctions
Travail de fourmi, effet papillon...
Descriptif du site
le Point/AFP
En Amazonie, la lutte des "guerriers de la forêt" pour la Vallée du Javari
#Amazonie #jungle #autochtones #Bresil
Article mis en ligne le 12 juin 2023

Dans le territoire indigène de la Vallée du Javari, pêcheurs illégaux, braconniers, bucherons et narcos continuent les pillages et trafics en tout genre dans ces confins amazoniens du nord-ouest du Brésil.Dans le territoire indigène de la Vallée du Javari, pêcheurs illégaux, braconniers, bucherons et narcos continuent les pillages et trafics en tout genre dans ces confins amazoniens du nord-ouest du Brésil.

Un an après le double meurtre sur place du défenseur de la cause indigène Bruno Pereira et du journaliste britannique Dom Phillips, quelque chose est pourtant en train de bouger du côté des indigènes, face à ces invasions qui se poursuivent : une nouvelle génération d’activistes, "héritiers" de Bruno Pereira, a pris le relais pour défendre la réserve.

Dans la communauté de Sao Luis, sur les rives du fleuve Javari, frontalier du Pérou, ils sont une petite trentaine à bord d’une pirogue à moteur, lances, arcs et flèches à la main, teeshirt kaki siglé "guerriers de la forêt" sur le dos.

Ce sont tous des Kanamari, l’une des sept ethnies du Javari, deuxième plus grand territoire indigène du Brésil. C’est dans cette jungle impénétrable grande comme le Portugal que se trouve la plus importante concentration d’indigènes encore non-contactés.

Au Brésil, la démarcation de ces réserves -où les étrangers ne peuvent en théorie pénétrer qu’avec l’accord des autorités locales et fédérales- garantit aux autochtones le droit d’occuper leurs terres ancestrales et l’usage exclusif des ressources. (...)

"Nous patrouillons avec nos armes traditionnelles", explique Lucinho Kanamari, chef de ces volontaires. "Quand nous repérons des intrus, l’un d’entre-nous va leur parler. Les autres restent prudemment en retrait, prêts à réagir si cela tourne mal".

Ce sont des pêcheurs, soupçonnés d’être liés à des trafiquants de drogue, qui sont jugés pour avoir assassiné le 5 juin 2022 "Bruno et Dom", comme on les appelle familièrement depuis lors ici.

Le crime avait porté un moment l’attention internationale sur ce coin reculé de la planète, Far West où se joue une partie de l’avenir de la grande forêt amazonienne.

"Nous ne voulons pas de violence. Nous sommes là pour faire de la pédagogie. On parle, on essaie de leur expliquer...", détaille Lucinho. Les intrus "tentent de nous corrompre avec de l’essence, du riz, du sucre...".

Deux postes de surveillance, des maisonnettes en bois plantées sur les flots, au milieu des moustiques, ont été installés à des lacis stratégiques du fleuve. L’un a déjà essuyé des tirs.

Le danger vient aussi des narcos, qui cultivent la coca du côté péruvien et expédient la drogue en aval vers le noeud fluvial aux frontières du Brésil, du Pérou et de la Colombie.

Début avril, des bucherons pris sur le fait ont menacé de mort le cacique (chef) d’une communauté Kanamari voisine, le forçant à se réfugier en ville.

"Nos lacs et nos forêts" (...)

La Fondation nationale des peuples indigènes (Funai), en charge de la gestion de ces territoires, se remet à peine d’un quasi-abandon sous la présidence de Jair Bolsonaro (2019-2022), partisan affiché de l’exploitation de l’Amazonie.

"L’Etat nous ayant abandonné, nous avons dû prendre nos responsabilités. Nous avons créé des groupes de vigilance dans les communautés. L’idée est de protéger notre terre et de vivre de nos ressources. On défend ce qui nous appartient, nos lacs et nos forêts", explique Varney Todah da Silva Kanamari, vice-président de l’Union des peuples indigènes de la Vallée du Javari (Univaja).

Au coeur de l’immense forêt, la tâche est immense et les moyens manquent. Les volontaires de Sao Luis ne disposent que de deux barques à moteur, qui bien souvent manquent d’essence.

Pour autant, "les guerriers ont des résultats, leur méthode fonctionne", constate Bushe Matis, le coordinateur général de l’Univaja, interrogé par l’AFP au siège de son organisation, dans la ville d’Atalaia do Norte, porte d’entrée de la réserve.

"Si l’on attend que l’Etat agisse, cela va prendre trop de temps" (...)

Bushe Matis espère qu’avec le retour au pouvoir du président Luiz Inacio Lula da Silva, favorable à la cause indigène, "la police fédérale et la Funai vont enfin vraiment nous aider".

"Nous faisons du contrôle, nous collectons les informations et les preuves. Et nous les transmettons aux autorités compétentes. Ensuite que l’Etat fasse son boulot !", lance-t-il, mettant en garde contre une nouvelle "tragédie". Car "les envahisseurs ne reculeront jamais, ils vont toujours vouloir s’emparer du Javari".

Bruno Pereira avait "monté l’Equipe" à son arrivée à l’Univaja, après sa démission de la Funai. "Nous sommes ses héritiers", s’enorgueillit Bushe Matis.
"Occuper le terrain" (...)

Barges sur-motorisées, GPS, drones, téléphones et internet satellitaires... l’EVU, désormais soutenue par de généreux donateurs, utilise les nouvelles technologies. Ses 27 membres et trois leaders sont issus de toutes les communautés du Javari.

Les missions sont confidentielles et les membres du groupe travaillent sous anonymat. Plusieurs ont été menacés. (...)