
Elle est la n°3 du nouvel exécutif en charge d’un dossier clé pour la majorité bordelaise, le logement. Emmanuelle Ajon nous a confié sa feuille de route avec un calendrier qu’elle veut rapide : en décembre, de nombreux outils comme l’encadrement des loyers ou le permis de diviser un bien devraient déjà être opérationnels. Elle annonce la création de La Maison du logement et de l’hospitalité dans un an ou deux.
Le mandat des Verts sera social ou ne sera pas. C’était en tout cas la promesse faite aux électeurs par Pierre Hurmic, qui a fortement allié dans son projet écologie et social. Sur ce pan, le logement sera l’une des clés de la réussite de la nouvelle majorité.
Le nouvel édile a donc confié le dossier à l’une des plus expérimentées de sa majorité, Emmanuelle Ajon, cheffe de file des socialistes bordelais, dans l’opposition depuis 2008 et vice-présidente du département. Entretien avec la troisième adjointe de Pierre Hurmic, qui se donne un calendrier serré. (...)
Vous aviez vu que nous avions dans notre programme une Maison du logement et de l’hospitalité, qui sera un lieu unique, un peu comme la maison écocitoyenne. Ça veut clairement dire qu’on sort d’une politique de l’offre pour une politique publique interventionniste du logement. On veut sortir du laissez-faire total.
Cette maison, qu’est-ce qu’on pourra y voir ?
On la pense comme un endroit unique pour s’informer sur les politiques publiques de l’habitat. Elle centralisera toutes les informations plutôt que de balader les personnes de lieux en lieux sans qu’elles obtiennent de réponses. Ce sera de l’information autant sur le logement social que sur les dispositifs étudiants ou à destination des seniors, ou sur la rénovation énergétique. Cette maison du logement public et de l’hospitalité sera un lieu d’accès au droit, d’accès à l’information, un lieu pour monter ses dossiers et aussi un lieu où l’on organisera des animations, conférences et débats autour de l’habitat qui est quand même un enjeu fondamental.
Il y a un grand enjeu cet été autour du logement précaire, entre la canicule et la crise du coronavirus. Est-ce qu’aujourd’hui vous êtes en mesure de nous annoncer que s’il y a une expulsion de squat, vous pourrez accueillir les personnes remises à la rue ?
On fera tout pour. Je ne veux pas m’exprimer à la place de ma collègue sur ce sujet [Harmonie Lecerf, adjointe à l’accès aux droits et aux solidarités, ndlr]. On est en train de faire le recensement des logements vacants, du patrimoine municipal et public. Pour cet été, ça va être trop court. En revanche, on ne demandera pas l’évacuation du squat de Gradignan et on a demandé au département de ne pas faire évacuer le squat rue Camille-Godard. Mais on ne peut pas non plus laisser un squat sans vérifier que ça ne devienne pas du logement insalubre et donc dangereux.
Nous souhaitons travailler sur des conventions d’occupation précaire et temporaire. Je tiens à ces conventions qui permettent aussi d’écrire là où on veut aller, combien de temps le squat est là, pour qui. Que le deal soit clair : il s’agit de bien y vivre, avec le voisinage, et dans le respect. Et à un moment ça va peut-être s’arrêter car il y a peut-être un projet derrière d’intérêt public, comme du logement social par exemple. (...)
Régulation d’Airbnb
Les loyers ont fortement augmenté ces dernières années à Bordeaux. Aujourd’hui, on loue un appartement pour environ 15€ du m². Comment vous comptez faire baisser la facture pour les habitants ?
C’est une somme d’outils et d’expérimentation d’outils que nous mettrons en place car je ne crois pas à l’outil miracle. Nous voulons les mettre en œuvre rapidement, avant la fin de l’année. Premièrement, il faut continuer travail sur la régulation d’Airbnb. Dès le 17 septembre, on sera en lien avec autres villes européennes avec qui nous organisons un contre-lobby à la Commission Européenne. On ne peut pas aller au tribunal avant que la Cour de justice de l’Union européenne ait statué donc il faut que celle-ci rende très rapidement son avis. On a des dossiers prêts à partir et on a demandé aux services de continuer à les préparer, il faut faire appliquer les règles.
Quelles règles ?
Le code de l’Habitat et de l’Urbanisme fixe à 120 jours le nombre de jour de location maximum pour une résidence principale. Au-delà, le logement est considéré comme une résidence secondaire et ce ne sont plus les mêmes règles. Et pour louer en résidence principale, il faut un agrément et il faut payer la taxe de séjour. On a déjà demandé à Airbnb de bloquer ceux qui n’ont pas l’agrément et de nous verser la taxe d’habitation nominativement, pour que l’on puisse effectuer les contrôles. Il y a un vrai bras de fer. Aujourd’hui, un logement acheté que pour ça, ce n’est pas possible. Les dossiers sont prêts pour partir au tribunal et on demande 50 000€. Avant il y aura eu des échanges avec nos services qui auront écrit aux propriétaires ou qui les auront appelés. Ça ne leur tombera pas sur la tête. (...)
Il faut pousser les propriétaires à remettre les logements vacants sur le marché, d’abord en leur rappelant la loi : il y a une taxe s’ils laissent leur logement vacant trop longtemps. Et puis nous serons accompagnateurs et facilitateur, avec la Maison de l’hospitalité et du logement public, pour prendre en charge les dossiers, accompagner la rénovation énergétique qui peut être lourde pour des propriétaires.
Permis de louer et permis de diviser
Qu’en est-il pour le prix des loyers ?
Il y aura aussi l’expérimentation encadrement de loyers.
La métropole l’a déjà refusée deux fois et Bordeaux ne peut pas la demander directement.
Vous avez raison, le maire de Bordeaux doit demander à la métropole de pouvoir expérimenter. Mais cela ne vous a pas échappé, nous avons changé de président de Métropole et ce n’est pas pour rien que je suis également conseillère métropolitaine déléguée à l’innovation dans le logement. On va essayer de le mettre en œuvre très rapidement avec une expérimentation dans l’hyper-centre dans un premier temps, en particulier sur les petites surfaces. Je me donne jusqu’à décembre maximum pour déposer ce dossier.
Et puis nous aurons deux autres outils : le permis de louer, que l’on veut mettre en place sur le quartier Marne-Isère pour lutter contre l’habitat indigne et le permis de diviser sur le quartier Caudéran-Saint Augustin. On voit dans ce quartier un vrai phénomène qui créé l’accroissement des prix : les occupants d’une grande maison, souvent âgés, s’en vont et la maison est soit récupérée par les descendants soit rachetée et divisée en 4, 5 ou 6 logements, avec peu de rénovation. Cela crée du mauvais logement, augmente les prix et fait baisser le taux SRU. Il faut stopper cela et dire : à Bordeaux, la division, ce n’est pas le sujet. (...)
Quel est l’objectif sur le logement social ? Arriver au taux légal de 25% ? Plus ?
L’objectif est d’être dans les clous. Et de réadapter la ville au parcours résidentiel. Il manque de l’offre pour les sans-abris. On ne va pas le faire seul, on ira chercher l’État. Il n’y pas de résidence service autonomes pour les personnes âgées. Il faut en créer. Et réguler le marché.
Puisque vous parlez d’offre adaptée, il y a une rentrée qui arrive, et c’est toujours un moment de tension pour le logement, avec la question du logement étudiant. Est-ce que vous avez des choses qui peuvent se mettre en place rapidement ?
On peut imaginer réquisitionner des auberges de jeunesse par exemple. La région avait un projet d’un bateau transformé en logement étudiant. Si le bateau est prêt à être mis à quai et qu’il faut une autorisation de la mairie, on sera là. La Maison de l’hospitalité et du logement public permettra aussi un accompagnement, le développement de la collocation intergénérationnelle, des partenariats avec le dispositif « Un toit pour toi » de la région et un travail renforcé avec des partenaires dont c’est le métier, comme le CROUS. Quand on arrive d’une politique publique sur l’habitat où il n’y avait pas de régulation sur l’offre, la marche est tellement haute qu’en si peu de temps, on aura pas eu le temps de mettre tous les outils en place, même si c’est en marche forcée. (...)