
La SACD, l’un des plus puissants lobbys du droit d’auteur en Europe, s’agace du succès des méthodes employées notamment par la Quadrature du Net et le Parti Pirate pour faire entendre leur voix à Bruxelles. Mais les organisations d’ayants droit n’ont guère de leçon de probité à donner.
Il est difficile pour les organisations représentant les ayants droit, qui ont réussi depuis plus d’un siècle à faire adopter textes après textes pour sans cesse renforcer les droits des auteurs au détriment des droits du public, d’accepter que le rapport des forces s’équilibre enfin, voire s’inverse.
En fin d’année dernière, nous rapportions que la Commission Européenne avait organisé une énième consultation sur les droits d’auteur, après avoir subi l’échec cuisant des "Licences pour l’Europe". Ces dernières étaient une chance donnée aux ayants droits d’aboutir à une solution négociée pour rééquilibrer par la pratique contractuelle les droits d’auteur, à défaut de les rééquilibrer par la loi. Mais vu l’échec patent de la méthode, dont le résultat l’a ridiculisée, la Commission s’est agacée et a décidé d’accélérer une réforme législative.
Bruxelles a donc ouvert sa consultation en décembre 2013, en demandant aux européens leur avis sur la durée de protection des droits, sur la création d’un registre des oeuvres à protéger, sur les différentes exceptions aux droits exclusifs des auteurs et producteurs, sur la rémunération pour copie privée, etc.
Initialement, la consultation aurait dû n’être ouverte que jusqu’au 5 février 2014, ce qui représentait une fenêtre très courte. Néanmoins, les lobbys citoyens comme La Quadrature du Net ou le Parti Pirate ont su s’organiser immédiatement pour rédiger leurs propres réponses au questionnaire, et demander à un maximum de citoyens européens de faire savoir à la Commission qu’ils partageaient le même avis, en envoyant ces réponses en leur nom propre.
Le succès fut tel que les ayants droit, pris de court et (pour une fois) moins bien organisés, ont paniqué et obtenu sur le fil que la Commission étende le délai de consultation jusqu’au 5 mars 2014. (...)
La SACD, comme d’autres lobbys d’ayants droit, a déjà une expérience amère de ce type de méthodes au niveau européen. C’est grâce à une mobilisation massive des internautes, avec envois de fax, d’e-mails et coups de téléphone, que les lobbys citoyens avaient réussi à faire tomber l’accord ACTA, qui prévoyait d’étendre encore davantage l’emprise du droit d’auteur sur les libertés du public. (...)