
Hiver pour l’instant radouci. Sur le port de Naxos, un pope alors bénit les paysans de l’île réunis, venus manifester leur colère en engins agricoles. Blocage symbolique sous les douceurs cycladiques, sauf qu’ailleurs, à Thessalonique notamment, toute la colère du monde agricole comme du monde helladique tout court, a débordé les forces de l’ordre, comme on sait bien dire persistant dans l’euphémisme lorsque le lien social n’est plus.
Ailleurs cependant, à Thessalonique notamment, la Foire agricole n’a pas été inaugurée car les lieux avaient été investis par les paysans en colère, lesquels ont même passé à l’attaque devant des policiers... pas toujours très convaincus par les temps qui ne courent vraiment plus, aux dires de tous.
Toute la Grèce... exprime son désarroi devant le dernier réformisme du gouvernement SYRIZA/ANEL quand au système des retraites qui n’en est plus un, devant aussi la dite énième reforme endurcie de la... doctrine fiscale au sujet des indépendants, euphémismes toujours. Puis, dans l’événementialité si fluctuante des moments actuels, la demeure du ministre pour la Coordination du projet gouvernemental Alékos Flambouraris (très proche d’Alexis Tsipras), avait été attaquée par une dizaine... de cocktails Molotov, durant la nuit du 30 janvier.
Le ministre Yórgos Katroúgalos de son côté, il entend convaincre du bien fondé de sa réforme car “ainsi, le système des retraites sera enfin sauvé en faveur des plus pauvres”, peine perdue, car d’ailleurs les données... structurelles et structurantes d’un pays si profondément “détravaillé” (-30% du PIB, 30% presque de chômage officiel, cotisations non versées pour plus de la moitié des indépendants et des entreprises...) ne laissent guère de place aux illusions.
Les retraites des Grecs, et en premier lieu celles des employés du secteur privé comme celles des indépendants, ont été... immolées au bénéfice des banques (étrangères et grecques), cela lorsque les avoirs en titres des Caisses de retraite avaient pâti d’une... décote obligatoire allant jusqu’à leur désintégration partielle ! Depuis, les Grecs savent que le fruit (amer) de leur travail, cotisations des patrons comprises, avait été sciemment spolié, autant que l’espoir de connaître si possible depuis, la... décrépitude humaine dans une certaine dignité, c’est aussi cela la vie... après la fin du monde. (...)
L’espoir n’est plus à la portée du rêve sauf que tout le monde ressent le crash final s’approcher. Certains évidemment s’en moquent, la catastrophe finale avait été maintes fois annoncée, mais tout le monde tombera d’accord pour dire que le... Khaos règne alors en maître comme jamais. En réalité, les données géopolitiques qui enclosent la crise grecque, lorsqu’elles ne l’aigrissent pas, ne sont plus tout à fait les mêmes qu’en 2012 par exemple. (...)
Certaines routes et autoroutes restent (ou s’annoncent) bloquées par les agriculteurs, les professions libérales (entre autres, avocats, notaires, architectes et médecins) sont le plus souvent en grève, l’administration n’est que de nom, le cloaque grec se dilate car tout se délite, et c’est ainsi que les bateaux... pour Égine ne partent parfois plus.
Pour de nombreux “dissemblables” définitifs, la distribution de la nourriture effectuée par les structures du dernier essor social... avant la disparition, est leur seul espoir, et la presse rediffuse alors ces images apocalyptiques de notre chute, aux effets psychologiques garantis.
Apories de la sorte du temps finalement si étroit qui est le nôtre. Cependant, depuis le... mouroir ensoleillé d’Athènes et des îles, on perçoit on dirait mieux qu’à Paris, cette nouvelle ère des catastrophes, le thème “catastrophiste” se situe comme on sait déjà, au carrefour du social, du politique et de l’économique. (...)
A Paris, les consciences n’auraient pas encore négocié le tournant de notre méta-monde de manière aussi serrée qu’à Athènes, seulement, les auditoires sont moins dupes qu’il y a deux ou trois ans. (...)
À Paris, j’ai participé au débat organisé à la Sorbonne (27 janvier) par l’Association critique de la raison européenne (étudiants à Sciences Politiques et ailleurs), en compagnie de Coralie Delaume, de Frédéric Farah, ainsi que de mon ami Olivier Delorme.
Nos interventions respectives, ainsi que le débat qui a suivi avec la salle, ont essentiellement porté sur la démesure métadémocratique européiste, et à travers elle, sur la suprématie de la diplomatie allemande, le tout, au moyen de... l’axe paradigmatique grec des sept dernières années. En somme, rien de très inconnu pour les lecteurs de ce blog, seulement pour un public d’étudiants à Paris, certes avertis, l’engouement pour la vérité est alors fort grand. (...)
“Les catastrophes locales servent alors de laboratoire pour évaluer ce que pourrait être l’effet d’une explosion nucléaire sur les comportements. Depuis lors, le courant dominant des ‘disaster studies’ s’appuie sur des événements réels pour forger des hypothèses sur la rationalité des agents et construire des modèles susceptibles de réorienter la conduite des individus dans le sens voulu par les pouvoirs publics. Il y va donc bien, avec ces recherches, d’une manière de définir la raison et, au besoin, de la formater à partir de la postulation du pire”.
En ce si nouveau siècle, le formatage est presque accompli... tout comme le sens réorienté et voulu. Les pages de l’histoire tournent alors rapidement et nous serions à peine entre ses lignes. Il y a urgence. À Paris, on propose encore gentiment aux badauds les clafoutis d’une quelconque cause planétaire, tandis que les distributions de nourriture à Athènes deviennent alors des événements pathétiques, au même titre (mais sur un autre registre) que l’arrivée massive des migrants sur les îles grecques de la mer Égée orientale. (...)
Cependant, le résultat de la guerre terrible que nous vivons est loin d’aboutir pour l’instant à un fait totalement accompli, tout dépend de la résistance si possible habile, devant les frappes massives (et devant les très nombreux leurres) de l’élite financieriste. (...)