
Les candidats à l’élection présidentielle, de gauche en majorité, ont présenté le 2 février leurs propositions en matière de logement. Plusieurs sujets sont revenus comme la construction de logements sociaux, l’encadrement des loyers ou la rénovation des passoires énergétiques.
L’exercice n’avait rien d’évident mais le grand oral organisé par la Fondation Abbé-Pierre a permis à une partie des candidats et candidates à l’élection présidentielle de parler – enfin – de logement.
À l’occasion de la présentation de son rapport annuel sur le mal-logement (lire ici le compte rendu), le 2 février, la Fondation Abbé-Pierre a convié les principaux candidat·es – sauf Éric Zemmour et Marine Le Pen – à décliner leurs propositions sur cet angle mort. Hasard du calendrier, au moment où la gauche s’exprimait sur le mal-logement, la droite et l’extrême droite devisaient sur les questions sécuritaires. Deux salles, deux ambiances.
Plus tôt dans la matinée, Laurent Desmard, le président de la Fondation Abbé-Pierre, s’inquiétait de la prévalence des sujets autour de l’immigration et de la sécurité. Et de l’absence de la question du logement dans le débat public, alors qu’il s’agit du premier poste de dépenses des Françaises et des Français. (...)
Avant d’écouter les propositions des candidat·es déclaré·es, le président de la République, toujours pas officiellement entré en campagne, a défendu son bilan lors d’un entretien vidéo avec le directeur délégué de la fondation, Christophe Robert.
Le mea culpa reste timide sur le manque d’élan dans la construction de logements sociaux – « il n’y a pas eu d’effondrement ». Mais Emmanuel Macron reconnaît n’avoir pas « réussi à aller suffisamment loin ». Le président a incriminé la crise sanitaire pour cette stagnation des constructions, et la « pression migratoire » pour l’amplification des besoins en matière d’hébergement d’urgence. (...)
Des convergences ont émergé entre les candidat·es de gauche sur la nécessaire rénovation énergétique des bâtiments. Toutes et tous se sont entendus sur l’encadrement des loyers et ont promis de l’étendre, en insistant également sur le respect nécessaire de la loi de solidarité et de renouvellement urbains (SRU), qui impose aux communes un taux de construction de logements sociaux à hauteur de 25 %.
La plupart des candidat·es se sont aligné·es sur l’objectif édicté par la Fondation Abbé-Pierre et ont promis de construire au minimum 150 000 logements sociaux par an, là où aujourd’hui environ 100 000 ont été construits en 2021.
Dans le détail, et selon leur ordre de passage, les candidat·es ont rendu hommage au travail mené par la Fondation Abbé-Pierre, notamment sur les questions de pauvreté, y compris Aurélien Pradié, seul représentant de la droite. (...)
Le communiste Fabien Roussel a tenté d’être aussi précis que possible. Il a promis de construire 175 000 logements pour les étudiant·es et les jeunes travailleuses et travailleurs sur le prochain quinquennat. Il entend aussi construire 200 000 logements sociaux par an pour desserrer la tension sur le marché et ainsi faire en sorte que « le loyer ne représente pas plus de 20 % des revenus d’un foyer ».
Élu, il monterait à 30 % l’objectif de la loi SRU (...)
Pêle-mêle, le chef de file du PCF a promis de rénover 500 000 logements. Il s’est démarqué de ses camarades en insistant longuement sur sa volonté de « démétropoliser la France », c’est-à-dire permettre l’implantation de logements sociaux dans les territoires ruraux en « les revitalisant ». Pour ce faire, il souhaiterait y développer, entre autres, des services publics.
Christiane Taubira, qui vient de remporter la Primaire populaire, est apparue beaucoup moins à l’aise que ses camarades, refusant principalement de donner des objectifs chiffrés et expliquant qu’il y avait des réalités derrière les chiffres. La candidate a évoqué la nécessité pour l’État d’être plus volontariste : « Je prends l’engagement que l’État sera stratège sur le logement en définissant des lignes générales partout et que l’État travaillera avec les collectivités. »
Après avoir dénoncé, comme les autres, le bilan du chef de l’État, elle a indiqué souhaiter encadrer les loyers et construire davantage de logements sociaux dont des PLAI familiaux, soit les logements dits très sociaux. (...)
L’ex-ministre de la justice a fait part de son intention de revaloriser les APL et les minima sociaux et d’étendre la garantie des loyers impayés via la garantie Visale d’Action logement. Elle entend aussi imposer les rénovations thermiques. (...)
À sa suite et en contraste, la socialiste Anne Hidalgo est apparue à l’aise, s’appuyant de fait sur son expérience de maire de Paris, à laquelle elle n’a cessé de se référer, semblant oublier le caractère national de l’élection. Elle a fustigé le bilan « désastreux » d’Emmanuel Macron en matière de logement social. Pour elle, il faut évidemment construire 150 000 logements sociaux par an, dont 60 000 logements très sociaux, conformément aux préconisations de la Fondation Abbé-Pierre.
Elle a promu son idée phare, le « bouclier logement » qui consiste à verser une allocation, complémentaire aux APL, aux personnes ou ménages éligibles lorsque la part du logement représentera plus de 30 % de leurs revenus. Elle a aussi appelé de ses vœux que les travailleurs et travailleuses pauvres n’aient plus « de salaires de misère » qui ne leur permettent pas de se loger. « Une situation d’indignité totale. » La maire de la capitale entend également généraliser l’encadrement des loyers dans les zones en tension, brandissant encore la « réussite » parisienne sur la question.
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De son côté, Jean-Luc Mélenchon, détendu et à l’aise, a débuté en expliquant que son programme « est inspiré à 95 % de ce qu’écrit la Fondation Abbé-Pierre » eu égard à la proximité intellectuelle que le candidat LFI revendique avec l’organisme.
Son programme est clair, il souhaite s’attaquer au « chaos » de l’immobilier et « bloquer toutes les logiques de marché qui conduisent à créer la pénurie et jeter des gens dehors pour que d’autres puissent accumuler ». Une sortie qui lui a valu les rares applaudissements de l’après-midi.
Pour parvenir à cet objectif ambitieux, Jean-Luc Mélenchon entend construire 200 000 logements sociaux par an, davantage que les objectifs de la Fondation Abbé-Pierre. Il souhaite que la plupart d’entre eux soient très sociaux et destinés « en urgence » et « en priorité aux plus pauvres ». (...)
Le candidat espère donner naissance à une « sécurité sociale du logement », soit une garantie universelle des loyers financée par une caisse de cotisation alimentée par un prélèvement de 2,5 % sur les loyers. Jean-Luc Mélenchon souhaite généraliser l’encadrement des loyers – aujourd’hui circonscrit à quelques villes seulement – mais à 20 % au-dessous du loyer médian, et non 20 % au-dessus, comme aujourd’hui. « Un 14 m2 à Paris loué à 800 euros, moi, j’appelle ça une honte, pas un prix médian. »
Enfin, le candidat insoumis a vanté son plan « Zéro SDF » d’ici à 2027. Doté de 3,7 milliards d’euros, il consiste à revaloriser les salaires des travailleuses et travailleurs sociaux, à ouvrir 80 000 places en pension de famille et pouvoir s’appuyer en cas de besoin sur les hôtels. Sur scène, Manuel Domergue, de la Fondation Abbé-Pierre, a demandé au candidat pourquoi ne pas plutôt soutenir la politique de logement d’abord. Elle permet d’avoir un logement pérenne – l’un des moments où le candidat a légèrement perdu de son assurance.
Des avancées culturelles
Le représentant d’EELV Yannick Jadot a commencé son intervention par un symbole en souhaitant en cas d’élection remplacer le ministère du logement par un ministère du droit au logement. Car « il conditionne tous les autres droits ». L’écologiste a ensuite insisté sur la nécessité de la rénovation thermique pour lutter contre la précarité énergétique et les divers maux en découlant. Cela en investissant dix milliards d’euros par an.
Il a promis de construire 150 000 logements sociaux. Il entend monter le taux de la loi SRU à 30 %, quintupler les pénalités en cas de non-respect et contraindre l’État à se substituer aux maires défaillants. Il aimerait imposer un « ISF climatique ». Son idée la plus originale étant sa volonté de transformer des bureaux en logements sociaux « pour redensifier les villes avec des habitations ».
Enfin Aurélien Pradié, pour le compte de Valérie Pécressse, a défendu la décentralisation des compétences en matière de politique du logement. Il a surtout insisté sur la nécessité de travailler sur « les moyens donnés à chacun de payer son loyer, plutôt que de payer leur loyer » et accorder « un droit au logement prioritaire aux travailleurs de première ligne, comme il en existe pour certaines professions ou sur les femmes victimes de violences ».
Si la candidate promet de faire construire 125 000 logements sociaux par an, elle rejette l’encadrement des loyers car « cela ne fonctionne pas et contribue à la spéculation ». (...)