
Des familles réduites en esclavage, des étudiant-e-s poussé-es à se prostituer, des familles mises à la rue, au profit des banques... Il existe des dettes privées illégitimes, face auxquelles la désobéissance est notre meilleure arme
Dettes privées illégitimes : Il y en aura pour tout le monde !
24 mai par Pierre Gottiniaux , Renaud Vivien
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Des familles réduites en esclavage, des étudiant-e-s poussé-es à se prostituer, des familles mises à la rue, au profit des banques... Il existe des dettes privées illégitimes, face auxquelles la désobéissance est notre meilleure arme.
La dette réduit en esclavage des familles entières obligées de travailler, enfants y compris, dans des briqueteries au Pakistan ou des ateliers textiles au Bangladesh ; pousse au suicide des centaines de milliers de paysans en Inde et des femmes au Niger et en Bolivie dont les photos sont placardées sur des affiches par les créanciers. Même s’ils ne meurent pas physiquement, de nombreux emprunteurs meurent socialement. Honteux de ne pas pouvoir payer les dettes, ils quittent leur village, les femmes sont abandonnées par leurs maris, etc. Au Nord aussi, la dette fait des ravages en mettant à la rue des millions de familles qui ne sont plus capables de rembourser leur crédit hypothécaire ; en poussant des étudiant-e-s à se vendre, voire se prostituer, pour rembourser leurs prêts.
Derrière ces dettes, on retrouve la classe capitaliste, en particulier les grandes banques et des institutions du microcrédit soutenues par les gouvernements, les Institutions financières internationales comme la Banque mondiale et par certaines ONG (organisations non gouvernementales).
Comme le souligne le mouvement Strike Debt aux États-Unis, « la dette n’est pas personnelle, elle est politique » car elle agit comme un outil de contrôle politique des individus, principalement ceux issus des classes populaires. Leurs choix de vie se font souvent sous la contrainte du remboursement, comme le choix de la filière d’étude afin de leur assurer plus tard un salaire qui permettra de rembourser leur dette. Les États-Unis ne sont pas une exception. On retrouve cette logique dans de nombreux pays comme au Royaume-Uni, au Canada, en Afrique du Sud ou encore au Chili où de grands mouvements de résistance ont lieu.
La consommation est un autre biais pour instaurer une domination par la dette. Financée en grande partie par le crédit, cette consommation représente une masse de profit phénoménale pour les capitalistes. La publicité s’assure de créer le besoin, le crédit fait le reste, avec des conditions souvent abusives (...)
Tandis qu’en Europe, les banques ont été sauvées avec de l’argent public, creusant au passage une dette publique largement illégitime, et qu’elles bénéficient des taux très avantageux de la Banque centrale européenne (BCE), elles continuent à faire des bénéfices indécents sur le dos des peuples. D’une part, elles prêtent aux États à des taux largement supérieurs à ceux auxquels elles empruntent auprès de la BCE, empochant au passage des intérêts illégitimes que les peuples paient tous les ans. D’autre part, elles commettent des abus en imposant des conditions léonines à leurs usagers, comme les clauses leur permettant de modifier le taux d’intérêt des crédits à taux variables sans aucune justification ou encore les clauses d’indexation sur des devises étrangères, entraînant des conséquences désastreuses pour les emprunteurs en cas de forte fluctuation du taux de change. C’est notamment ce qui s’est passé en Hongrie, en Croatie et en Grèce. Et lorsque le débiteur se retrouve en défaut de paiement, il se retrouve parfois expulsé de son logement que la banque ou l’État vont ensuite récupérer pour une bouchée de pain. Pire, en Espagne et en Grèce, les dettes perdurent : même après avoir été expulsées de leur habitation, les personnes doivent continuer à rembourser leur crédit hypothécaire.
Heureusement, les peuples se défendent. De l’Islande à la Bolivie émergent des mouvements de lutte. (...)
es victimes sont principalement les femmes comme au Bangladesh, où la Grameen Bank, fondée par Muhammad Yunus, est née et haïe ou encore au Bénin où une organisation de femmes membre du réseau CADTM, le CADD (Cercle d’autopromotion pour un développement durable), a bâti une alternative émancipatrice au microcrédit capitaliste en créant son propre système d’épargne et de crédit autogéré par les femmes elles-mêmes.
À côté des dettes publiques illégitimes, il existe donc aussi des dettes individuelles qui ne sont pas légitimes. Les deux étant liées. La dette publique constitue au Sud comme au Nord le prétexte pour s’attaquer aux droits humains, démanteler la protection sociale, détruire l’agriculture paysanne, privatiser les services publics et les ressources naturelles. Autant de facteurs qui expliquent l’augmentation des dettes privées des individus. C’est à ce « système-dette », englobant à la fois les dettes au Sud et au Nord, publiques et privées, que le réseau CADTM s’attaque depuis plus de six ans. (...)
coup de projecteur sur des mobilisations en cours et celles du passé pour tenter d’en tirer des leçons afin de renforcer les luttes présentes et à venir. L’Histoire nous apprend en effet que des annulations de dettes individuelles sont possibles. Désobéissons ensemble aux créanciers illégitimes, car si nous ne devons rien, nous ne paierons rien !