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Des petits paysans veulent faire de l’abattoir du Vigan un exemple éthique
Article mis en ligne le 20 février 2017
dernière modification le 17 février 2017

Il y a un an, la diffusion d’images de mauvais traitements à l’abattoir du Vigan (Gard) en provoquait la fermeture. Une coopérative d’éleveurs veut le relancer, en garantissant un traitement éthique des animaux. L’enjeu est aussi d’assurer le maintien d’une agriculture paysanne et de la diversité du milieu.

En février 2016, la publication d’une vidéo par l’association L214 a placé sous les projecteurs le Pays viganais, territoire rural des Cévennes gardoises, et la question des abattoirs. Avec d’autres vidéos, tournées dans d’autres abattoirs, l’action de L214 a concouru à la mise en place d’une commission d’enquête parlementaire « sur les conditions d’abattage des animaux de boucherie dans les abattoirs français ». Ses travaux ont abouti à une proposition de loi « relative au respect de l’animal en abattoir » adoptée en première lecture à l’Assemblée nationale le 12 janvier dernier. Mais au Vigan, la fermeture de l’abattoir durant plusieurs mois et le déferlement médiatique ont pesé sur l’image et l’économie de tout un territoire. (...)

L’abattoir s’est séparé des deux employés mis en cause dans la vidéo : l’un a été licencié, l’autre n’a pas vu son contrat renouvelé. Éleveur de bovins en bio sur la commune de Bez et Esparon (Gard), Stéphane Thiry estime cependant que l’action de L214 lui a fait prendre conscience qu’il fallait s’investir dans l’abattoir : « Pour y garantir le respect de la dignité des animaux et pour maintenir un outil de territoire. »
« L’abattoir pose question parce qu’il est un lieu de la mise à mort »

Fin 2016, quand la communauté de communes du Pays viganais annonce vouloir céder, voire fermer l’abattoir en l’absence de repreneur, Stéphane Thiry mobilise une cinquantaine d’éleveurs pour devenir les prochains gestionnaires. Le conseil communautaire du 28 décembre consent un délai de quatre mois pour laisser le temps à l’offre des éleveurs de se concrétiser. Le transfert de propriété se fera par le biais d’une vente à terme établie sur 20 ans. Au cours de cette période, les nouveaux propriétaires s’acquitteront de loyers correspondant au prix de vente. La gestion sera assurée par une société coopérative d’intérêt collectif (SCIC), qui permet d’associer tous les types d’acteurs : éleveurs, entreprises et collectivités, mais aussi consommateurs. (...)

Avant de s’installer avec ses brebis à Brissac (Hérault), il y a un an, Nathalie Savalois, docteure en sciences de la société, a mené une enquête collective sous la direction de la sociologue Jocelyne Porcher, spécialiste des relations entre éleveurs et animaux. Ce travail l’a conduit à la rencontre de nombreux éleveurs et à la visite d’abattoirs avant de participer à la rédaction du Livre blanc pour une mort digne des animaux. « Que les éleveurs gèrent est une condition nécessaire, mais pas suffisante pour que l’outil réponde à leurs exigences éthiques, à la valorisation de la qualité du travail de la viande et à la qualité économique des débouchés », affirme l’agricultrice. « En soi, l’abattoir pose question parce qu’il est un lieu de concentration de la mise à mort. Ce qui, d’après des études en sociopsychologie, a un effet délétère sur les employés », argumente Nathalie Savalois. Penser les conditions de travail et la façon d’amener les bêtes à l’abattoir constitue pour elle une clé pour la réussite de la reprise.

Ouvrier dans un abattoir « est un métier difficile sur le plan physique et psychologique », confirme Stéphane Thiry qui souhaite répondre à cet enjeu par « la participation des éleveurs à l’abattage et la réduction par deux des cadences de travail ». (...)

« Prendre soin des animaux, de nous et du territoire dans une démarche d’écologie sociale et solidaire »

Sur les terrains communaux de Brissac, le troupeau de Nathalie Savalois « valorise la garrigue, fait de la prévention incendie et de la pédagogie avec les enfants de l’école », dit la bergère. Du fait du poids de la réglementation, de la dépendance aux aides agricoles et du retour du loup, les petits élevages sont déjà en difficulté. L’absence d’un abattoir au Vigan compliquerait encore leur situation. (...)

Le ciel reste chargé sur l’abattoir du Vigan. Les 23 et 24 mars prochains se tiendra au tribunal correctionnel d’Alès le procès de trois employés et de la communauté de communes du Pays viganais. Le premier employé est poursuivi pour « actes de cruauté et sévices graves sur animaux » tandis que les deux autres salariés « seront jugés pour des faits de mauvais traitements sur animaux ». Quant à la collectivité, elle est concernée comme « personne morale responsable de l’abattoir », indique le procureur de la République. Pour Christian Caviale, à l’origine de l’association viganaise Abattoir sans violence, constituée après la révélation de la vidéo, la vigilance est de mise pour avoir « les garanties de l’état de l’établissement avant la reprise et pour le contrôle de l’État eu égard aux sanctions prononcées ». Les éleveurs, quant à eux, doivent finaliser leur projet de reprise d’ici au 30 avril. (...)