
Le jeudi 3 février 2011, Denis Robert a été blanchi par la Cour de cassation de sa condamnation pour deux de ses livres (Révélation$ et La Boîte noire) et un documentaire (Les Dissimulateurs), diffusé sur Canal +. Une victoire, gagnée contre Clearstream, mais aussi contre ceux qui avaient tenté de discréditer son travail.
Nous publions ici quelques extraits de l’entretien qu’il nous avait accordé pour le n°1 de Médiacritique(s) – le magazine trimestriel d’Acrimed. (...)
L’habitude langagière qui consiste à accoler journalisme à investigation vieillit mal. Quand je commençais mes enquêtes en 87, 88, on ne me disait pas « journaliste d’investigation ». J’étais un journaliste parmi d’autres, plus fouineur peut être mais ça m’allait. On disait « affaires de fausses factures ». On disait « corruption ». Souvenez vous. On a l’impression que c’est la préhistoire. Pourtant ce n’est pas si vieux… Je ne sais pas qui a inventé ce terme. Mais il correspondait à une tendance à l’enfermement, au cloisonnement. Il fallait parquer les journalistes travaillant sur les affaires pour mieux les banaliser et les combattre. Jusqu’au milieu des années 90, les journalistes qui enquêtaient sur les liens entre hommes d’argent et hommes politiques étaient un réel sujet d’embarras pour les gens de pouvoir. Petit à petit, les politiques et évidemment ceux qui sponsorisaient ces politiques ont repris ce pouvoir-là en mettant des hommes à eux aux postes clés. (...)
Certains ont continué à bosser, à sortir des affaires. Mais tout s’est peu à peu noyé dans le flux. Internet, en un sens, n’a pas aidé. Et puis cette engeance –les journalistes d’investigations- en gagnant des galons et des temps de passage sur les plateaux de télé a joué perso, privilégiant leur personne ou leur média au détriment de l’information. Il y a un autre souci… L’origine même de ces affaires qui sortent. Elles sont à 99% judiciaires. Du fait des lois sur la diffamation et de l’utilisation qui en est faite, il est très risqué de sortir une information originale, non « judiciairisée ». Ceux qu’on appelle les journalistes d’investigation sont dans leur grande majorité devenus des auxiliaires de justice. Ce qui m’importe c’est de trouver dans le bruit et la confusion des médias, une information nouvelle, sourcée, originale. On en trouve plus aujourd’hui le net que dans les journaux dit sérieux. (...)