
La capitale bretonne connaît un afflux de demandeurs d’asile. Les structures d’accueil spécialisées sont saturées. Le Samu social prend le relais, au détriment des habituels SDF.
Reportage dans une ville débordée.
(...) Rennes ne sait plus où donner de la tête. 615 demandeurs d’asile en Bretagne en 2007, 887 deux ans plus tard, 1465 l’année dernière... Comment expliquer ce "succès" ? La tradition d’accueil ? La promotion par les passeurs d’une région connue pour sa tolérance ? Ces hypothèses ne s’énoncent qu’à demi-mot. Les conséquences de cet afflux, elles, sont bien réelles. (...)
Avec 531 lits pour 811 nouveaux arrivants en 2012, les centres d’accueil pour les demandeurs d’asile (Cada) de l’Ille-et-Vilaine sont saturés. "Nous n’avons pas le nombre de places qui correspond à nos besoins. Et, même avec de nouveaux efforts, on ne pourra pas répondre rapidement à la demande", reconnaît Claude Fleutiaux, secrétaire général de la préfecture de Bretagne. Les hébergements sont accordés en priorité aux familles ou aux personnes seules avec enfants, mais ils sont rares, compte tenu des durées d’instruction des dossiers.
Sans solution, les demandeurs d’asile se tournent vers le 115 - ouvert à tous, sans conditions. "On a vu des familles revenir de semaine en semaine au 115. L’hébergement d’urgence s’est retrouvé en difficulté", confie Gaëlle Andro, première adjointe au maire (PS) de Rennes. Et les communes voisines ne font guère d’effort de solidarité, par peur d’attirer l’attention des passeurs sur elles. Alors que Rennes dispose de 2500 places d’urgence, le 115 ne répond qu’à la moitié des besoins en hiver et à peine à un quart en été. Alors les demandeurs doivent tourner. Trois jours ici, trois jours là, et puis rien. (...)
Les sans domicile fixes "classiques" sont pris en charge moins fréquemment qu’avant ; les étrangers cherchant asile entrent dans un dispositif de droit commun, mal adapté à leur situation, et pèsent sur des budgets qui ne leur sont pas destinés. Au restaurant social, fréquenté habituellement par des marginaux, jeunes, masculins et célibataires, la cohabitation est difficile avec des familles en quête de refuge.
Les tensions se multiplient. Les associations de défense des migrants soupçonnent la municipalité de favoriser le public SDF au détriment des demandeurs d’asile. La mairie récuse l’idée d’une concurrence entre les pauvres, français d’un côté, étrangers de l’autre. Et dénonce les pressions des militants pour mettre leurs dossiers sur le dessus de la pile. L’ouverture de squats, souvent chapeautés par l’association Un toit c’est un droit, montée par des anciens de Droit au logement (Dal), agace préfecture et collectivités locales. (...)