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Atelier d’Écologie Sociale et Communalisme
Pourquoi la tragédie du logement n’a pas de solution
#logement #marchandisation #
Article mis en ligne le 18 novembre 2025

« Il est évident que le travail et la terre ne sont pas des marchandises produites pour être vendues. Laisser le mécanisme du marché diriger à sa guise et décider du sort des êtres humains et de leur environnement naturel conduit nécessairement à la destruction de la société. » — Karl Polanyi

« Le phénomène des bidonvilles pourrait revenir en ville ». Cette affirmation inquiétante ne provient pas, comme on pourrait s’y attendre, d’un représentant du mouvement pour le logement qui tirerait la sonnette d’alarme face à la situation actuelle déplorable, mais de la présidente de l’Association des agents immobiliers de Barcelone.

Le patronat des agences immobilières avertit que l’accès au logement – en particulier à la location – dans la ville se dirige à grands pas vers l’effondrement, en raison de la pénurie aiguë de l’offre et de l’exclusion totale de larges couches de la population (...)

Cependant, leurs habitants ne seraient pas uniquement des personnes qui survivent péniblement en marge de la société opulente, mais aussi des groupes sociaux formellement « intégrés », avec un emploi et des revenus réguliers.

Malheureusement, cette sombre prévision n’est pas du tout exagérée. Bien que le bidonvillage n’ait jamais disparu de la « meilleure boutique du monde », il connaît actuellement une croissance sans précédent. En seulement un an, le nombre de citoyens vivant dans la rue (1 600) a augmenté de 23 % et le nombre de sans-abri (5 000) vivant dans des refuges ou des bidonvilles insalubres a augmenté de 13,6 %.

Le fait que l’avertissement provienne d’une organisation qui travaille pour les promoteurs immobiliers – encline, par conséquent, à l’alarmisme sensationnaliste pour dénoncer l’interventionnisme « exécrable » du gouvernement – n’empêche pas que cette perspective sinistre soit le reflet fidèle du revers lugubre de la ville-marchandise. (...)

Cependant, leurs habitants ne seraient pas uniquement des personnes qui survivent péniblement en marge de la société opulente, mais aussi des groupes sociaux formellement « intégrés », avec un emploi et des revenus réguliers.

Malheureusement, cette sombre prévision n’est pas du tout exagérée. Bien que le bidonvillage n’ait jamais disparu de la « meilleure boutique du monde », il connaît actuellement une croissance sans précédent. En seulement un an, le nombre de citoyens vivant dans la rue (1 600) a augmenté de 23 % et le nombre de sans-abri (5 000) vivant dans des refuges ou des bidonvilles insalubres a augmenté de 13,6 %.

Le fait que l’avertissement provienne d’une organisation qui travaille pour les promoteurs immobiliers – encline, par conséquent, à l’alarmisme sensationnaliste pour dénoncer l’interventionnisme « exécrable » du gouvernement – n’empêche pas que cette perspective sinistre soit le reflet fidèle du revers lugubre de la ville-marchandise. (...)

le loyer représente près de la moitié du salaire moyen dans les grandes villes espagnoles, Barcelone et Madrid arrivant en tête avec plus de 70 % ; 45 % de la population locataire, soit 9 millions de personnes, est exposée à un risque élevé de pauvreté et d’exclusion sociale (...)

0 % de la population vit dans des conditions de surpeuplement (deux personnes ou plus par chambre) en 2024.

Cette avalanche de données « froides » ne donne toutefois pas une idée précise du degré de souffrance causé par l’angoisse de ne pas disposer d’un logement minimement adéquat et stable.

Une conséquence directe de l’exclusion résidentielle de couches croissantes de la population est la profonde dégradation sociale qui règne dans le « chacun pour soi » du monde souterrain de l’immobilier : la location de chambres à des prix exorbitants, les squats de survie, les milliers d’appartements touristiques ou la fraude massive à la location saisonnière – pour contourner le contrôle des prix établi par la loi sur le logement – constituent le pain quotidien de la « cocotte-minute » qu’est devenu l’accès au logement. Parallèlement, à l’autre extrémité de l’échelle sociale, les couches privilégiées, arrosées par la pluie de richesses patrimoniales et de revenus locatifs générés par l’inflation immobilière, ne perdent pas de temps pour accumuler le maximum de « briques » dans leurs patrimoines déjà bien garnis : 30 % des achats immobiliers sont réalisés sans hypothèque et plus de la moitié des prêts hypothécaires sont destinés à l’investissement et non à l’achat d’une résidence principale.

Face à ce panorama désolant, les propositions avancées par ceux qui détiennent le pouvoir public-privé produisent un sentiment prononcé d’impuissance et de mauvaise foi à parts égales. (...)

Selon un sondage récent réalisé auprès d’une sélection d’économistes éminents, 81 % d’entre eux s’opposaient fermement à tout type de « contrôle des loyers ». Le célèbre théoricien Greg Mankiw est même allé jusqu’à écrire, dans son best-seller destiné aux étudiants universitaires naïfs, que pour les économistes « sérieux », le contrôle des loyers est « le meilleur moyen de détruire une ville, à part la bombarder ». Sans aucun doute, un bel exemple d’impartialité et de rigueur scientifiques.

Nous sommes donc face à un anathème pour les pontes de la pseudoscience économique. Le premier essai influent de Milton Friedman, le père intellectuel des politiques néolibérales de Reagan, Thatcher et Pinochet, avait pour objectif de démontrer de manière irréfutable que le contrôle des loyers conduit au pire des scénarios possibles :

« Il paralyse la construction de nouveaux logements, alimente les inégalités dans l’accès au logement et limite la mobilité des familles, les empêchant ainsi d’accéder à de meilleures opportunités, tout en restreignant la liberté des propriétaires de tirer profit de leurs biens ».

Rien de nouveau sous le soleil, donc.

Le géographe marxiste David Harvey décrit le caractère trompeusement persuasif de l’apparente simplicité des arguments fallacieux de l’orthodoxie économique :

« Le recours aux instruments mathématiques néoclassiques et l’occultation de distinctions importantes concernant la nature du revenu, de l’espace et des relations entre valeur d’usage et valeur d’échange, associés à une fausse manière de procéder à des vérifications, permettent à ces modèles d’obtenir une utilisation et une crédibilité supérieures à ce qu’ils méritent réellement »

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Il est donc totalement futile d’accorder de la crédibilité et d’entrer dans une discussion honnête avec les sophismes puérils du discours légitimant le pouvoir social. (...)

Pendant ce temps, face à l’évolution alarmante de la tragédie immobilière en Espagne, les gouvernements progressistes commencent à prendre des mesures timides visant à réglementer le secteur, violant ainsi les lois sacrées du libre marché. Cependant, la timidité des mesures proposées ne constitue qu’un pansement sur la plaie sociale massive causée par la violation flagrante du droit humain fondamental que représente le fait de pouvoir disposer d’un logement abordable où se loger. (...)

Partant du fait qu’une réduction d’au moins 40 % des prix d’achat et de plus de 50 % des loyers serait nécessaire pour rétablir l’accessibilité de la population à un niveau raisonnable, il ne semble même pas nécessaire de souligner la grave insuffisance des mesures réglementaires proposées. Deux ans après l’adoption de la loi « tant attendue » – rappelons qu’il s’agissait de garantir le respect d’un droit constitutionnel, selon les déclarations pompeuses de ses rédacteurs et partisans – les prix d’achat et, surtout, de location restent hors de contrôle.

L’économiste Juan Torres López met le doigt sur le nœud gordien qu’il faudrait nécessairement trancher pour envisager un horizon radicalement différent du cauchemar actuel : « Il n’y a pas d’autre alternative que de retirer, littéralement parlant, ou d’offrir hors du marché un nombre de logements suffisant pour garantir le droit au logement de toutes les personnes qui en ont besoin aujourd’hui et qui n’y ont pas accès ». Cependant, il est évident que ni cette mesure « radicale », qui passerait nécessairement par des expropriations massives, ni les propositions des syndicats du logement (contrats de location à durée indéterminée, réduction drastique des prix, etc.) ne sont envisagées ni attendues. (...)

Le logement n’est pas une marchandise comme les autres et il n’existe pas de « marché libre » de l’immobilier

Le diagnostic est donc clair : tout étudiant de première année en microéconomie sait que le pseudo-marché du logement est à l’opposé d’un marché concurrentiel parfait, comme le postule – en profitant de l’ignorance du public – le discours dominant. Les conditions requises du modèle concurrentiel – produit homogène, liberté totale d’entrée et de sortie, information parfaite – n’existent pas, même de loin, sur le marché résidentiel. Il n’est donc pas nécessaire d’être un expert dans les arcanes de la « science » économique pour comprendre que le marché des bananes ou celui des stylos bon marché n’ont rien à voir avec le secteur immobilier. Appliquer les mêmes règles libérales dans les deux cas – le sempiternel « laissez faire, laissez passer », sancta sanctorum du catéchisme néoclassique – finit par générer, comme nous le constatons actuellement, une catastrophe sociale. Lorsqu’un bien essentiel, dont personne ne peut se passer, devient le filon névralgique des flux financiers d’investissement à l’échelle mondiale, le résultat ne peut être autre que la transformation de l’accès au logement en une tragédie déchirante.

Il n’est d’ailleurs pas étonnant que le même sophisme de l’autorégulation aseptique s’applique au marché du travail, où la loi de l’offre et de la demande détermine, en théorie, la rémunération du travailleur. Ainsi, toute mention de la possibilité qu’il s’agisse également d’une relation asymétrique, fondée sur l’exploitation de la main-d’œuvre, est écartée.

En réalité, il n’existe pas le moindre marché libre et concurrentiel du logement ou du sol, et il n’est pas vrai que ceux qui y opèrent disposent d’informations parfaites sur les données pertinentes (...)

Il est donc évident que seule une intervention exogène énergique de la part de l’administration publique, empêchant efficacement – en termes d’expropriation – l’exercice du pouvoir monopolistique de la propriété privée, pourrait inverser ou même atténuer la violence immobilière. Mais cette intervention est incompatible avec le caractère classiste de l’État bourgeois et avec la défense du bloc hégémonique qui le soutient : les familles propriétaires de la classe moyenne. Comme le fait valoir Carmona, les secteurs rentiers considèrent comme un anathème toute tentative de réglementation « confiscatoire » qui réduirait leurs revenus colossaux (...)

La tragédie sociale qui en résulte, et dont nous sommes actuellement témoins, n’est donc pas surprenante. La montée du fascisme rampant n’est en aucun cas étrangère à cette dégradation sociale accélérée provoquée par la violence immobilière. (...)

Pour conclure et, si l’on veut, comme sentence finale, nous pouvons dire qu’une grande partie des mouvements de lutte doivent apprendre à devenir orphelins. Orphelins de l’État et de la politique de revendication et de revendication. Ce n’est qu’à partir de cet horizon que l’on pourra imaginer des alternatives de lutte à un monde en crise. » Alfredo Apilánez