
...quiconque se penche un tant soit peu sur ces questions peut d’emblée noter que des invariants se dessinent au fil de l’Histoire. Certes, comparaison n’est pas raison, mais certaines similitudes sont troublantes, et méritent d’attirer l’attention. C’est très probant si l’on s’essaye à comparer, par exemple, le discours sur le juif il y a un siècle ou deux, et le discours sur le Musulman depuis quelques années. Tentons de cerner certains de ces invariants. ...
Tout d’abord, la catégorie du double visage et de la double allégeance est toujours en filigrane du discours sur les minorités. Il est reproché à l’individu qui en fait partie d’avoir une identité en porte-à-faux, floue, ambiguë, et d’être par conséquent indigne de confiance, même, ou surtout, s’il montre patte « blanche » (veuillez excuser le mauvais jeu de mot)....
...Deuxième catégorie, la plus évidente, celle du complot international. Elle s’accompagne invariablement du même procédé rhétorique : l’essentialisation. En effet, afin de pouvoir unifier tous les individus d’un groupe, au-delà d’une diversité trop encombrante dans le cadre d’une démonstration simpliste, il convient de faire parler ces individus non pas au travers de leurs propres discours particuliers, par ailleurs vus comme hypocrites et indignes de confiance, mais au travers d’une identité totalisante, unique, monolithique… et terrifiante....
...Cela nous mène, last but not least, à une dernière catégorie, liée aux deux premières : le jugement à l’emporte-pièce, la diffamation sans preuves, sans éléments, sans analyses rationnelles, accompagnés de la caricature. Il est en effet clair que les rapports de force, d’une société donnée à un moment donné, permettent de dire des choses à propos d’une minorité qu’on ne se permettrait pas envers d’autres groupes ou dans un autre contexte.
Face aux relents de l’Histoire qui nous submergent à nouveau, quel Emile Zola aura le courage de prendre la plume et de nous faire vibrer d’un « J’accuse ! » salutaire ?