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De l’Etat soumis à l’Etat souverain
samedi 16 août - par scripta manent
Article mis en ligne le 22 août 2014
dernière modification le 17 août 2014

Désormais, deux impuissances se font face : un Etat exsangue, discrédité, désarmé et démoralisé ; une sphère économico-financière incapable de se discipliner et de se moraliser. La situation est inédite et dramatique. Des deux protagonistes, l’un ne gouverne plus vraiment, l’autre n’en a ni la vocation ni les moyens. Comment, dans ce champ de ruines de la démocratie, l’Etat peut-il se remettre en situation de proposer et de conduire un projet de société ?

Les abandons de pouvoir (monétaire, douanier), ainsi que les dérégulations et privatisations consentis par la puissance publique depuis bientôt une quarantaine d’années, ont laissé le champ libre à un libéralisme outrancier (« ultralibéralisme »), livrant l’économique et le social aux engouements erratiques d’une finance spéculative hypertrophiée, opaque et moutonnière. Aux antipodes de la prospérité et de l’harmonie que promettaient ses partisans, le marché « pur et parfait » a généré les taux de croissance les plus faibles de l’après-guerre (1,6 % par an dans la décennie 2001-2010, à comparer aux 4,6 % de la décennie 1961-1970, moyennes OCDE), une succession de crises sans précédent, ainsi qu’une recrudescence brutale des inégalités de revenus et de patrimoines.

L’autorégulation et la capacité à générer sa propre éthique - modérateurs internes annoncés par les promoteurs et partisans de ce nouveau règne - n’ont pas été au rendez-vous. Ce ne sont pas les initiatives ni les « labels » qui manquent (responsabilité sociale d’entreprise, commerce équitable, économie sociale et solidaire …), mais ils ne pèsent pas lourd dans un système où la recherche du profit à court terme a fini par banaliser les petites combines et les grands scandales, financiers, sanitaires ou environnementaux. (...)

aujourd’hui, l’Etat, qui n’avait déjà plus le contrôle de la politique monétaire, a perdu sa liberté de manœuvre budgétaire en raison de la dégradation des finances publiques et s’est placé en situation de dépendance à l’égard des marchés financiers.

Que l’on veuille faire maigrir l’Etat (administrations centrales et collectivités territoriales) là où il fait de la mauvaise graisse, fort bien. Mais ne jetons pas le bébé avec l’eau du bain. Pour agir sur le modèle de société, pour réguler l’économie, nous avons besoin d’un Etat en capacité d’intervenir et donc en capacité budgétaire.

Le libre jeu des intérêts privés ne conduit pas à un optimum social. L’Etat a un rôle régulateur et planificateur à jouer. Il ne peut l’assumer que s’il dispose de ces degrés de liberté budgétaire. Pour autant, on ne peut évidemment pas s’installer dans le déficit chronique et la dette abyssale.

On ne pourra sortir de ce tissu de contraintes qu’en prenant des dispositions à la hauteur des difficultés du moment :
 revenir sur le principe d’indépendance de la banque centrale ;
 financer la nouvelle dette publique au meilleur taux auprès de la banque centrale et des ménages (selon l’INSEE, le taux d’épargne des ménages français, à 17 % du revenu en moyenne, n’a jamais été aussi élevé, étant précisé que 40 % des ménages n’ont pas la possibilité d’épargner) ;
 refinancer une part à définir de la « vieille » dette par une ligne de crédit à taux zéro, remboursable en cas de retour à meilleure fortune (excédents budgétaires) ;
 promouvoir un secteur bancaire public apte à relayer efficacement et loyalement les mesures de politique monétaire ;
 remettre en cause l’ouverture inconditionnelle des frontières européennes aux mouvements de marchandises et de capitaux ;
 comprendre enfin qu’un renforcement de l’Union européenne serait aussi une source d’efficacité budgétaire, grâce à la mutualisation des dépenses dans de nombreux domaines : défense, diplomatie, recherche et innovation, grands programmes d’infrastructure (énergie, transports et communications).

Détricoter l’écheveau ultralibéral que l’on a laissé se développer ne se fera évidemment pas sans difficultés, mais la fuite en avant en annonce aussi beaucoup, et de bien pires. Tant qu’à rencontrer des difficultés, autant que ce soit en poursuivant des objectifs que l’on a choisis plutôt qu’en se laissant porter par un flot dont on ne maîtrise pas le cours.