
N’ëtre...
(...)
Amel est enceinte de sept mois quand elle doit partir en urgence en Algérie au chevet de sa mère gravement malade. Elle ne sait pas que ce voyage la conduira dans un monde kafkaïen. Elle accouche prématurément en Algérie à sept mois. Après cet épisode difficile à vivre, elle a hâte de rentrer auprès de sa famille. Hélas, la loi française ne le permet pas.(...)
(...) Je voudrais connaître celle ou celui qui au consulat de France a
refusé de délivrer les papiers à cette jeune mère de famille. Il ou
elle a appliqué la loi, me dira-t-on. Quelle loi ? Celle qui est
écrite sur le fronton de son bâtiment : liberté, égalité, fraternité
ou celle d’un Etat français redevenu ouvertement xénophobe. Je
voudrais comprendre ce qui se passe dans la tête de tous ces acteurs
de la préfecture qui, au nom de la France, perdent leur humanité. Les
lois et les règlements ne cessent de brimer les étrangers. La France
a-t-elle si peur qu’elle doive craindre la venue sur son territoire
d’un nourrisson de trois mois ? Voit-elle en lui un possible
perturbateur de l’ordre public ?
(...) Que puis-je dire à cette famille ? Que ce monde est devenu fou, de
cette folie qui conduit à ne plus savoir faire la part des choses. Que
la loi fixe les conditions de la vie en société, mais qu’elle n’est
jamais à l’abri de devenir stupide et ignoble dans son application.
Que la citoyenneté que les hommes et les femmes politiques prétendent
défendre n’existe pas pour un bébé né de parents maghrébins.(...)
La loi que nous allons appliquer pour cet enfant, c’est la loi de la
cité, celle qui est faite de solidarité, de soutien, d’amour et de
fraternité. Et nous allons nous mobiliser pour rendre à ce bébé ses
droits, pour que son arrivée dans la vie ne soit pas à jamais marquée
par la culpabilité d’être né où il ne fallait pas.
Docteur Didier Ménard
Médecin généraliste à la cité des Francs-Moisins à Saint-Denis (...)