
Une nouvelle tribune vient s’ajouter aux prises de position contradictoires sur la prostitution et la pénalisation des clients, qui s’enchaînent depuis le début de l’été (les prises de position, pas les clients). Tentons d’y voir plus clair.
Les hostilités avaient repris à la fin du mois de juin, après que la ministre des Droits des femmes avait réaffirmé sa volonté de « voir la prostitution disparaître » et relancé l’idée d’une pénalisation des clients . Le débat entre les tenants de la ligne abolitionniste et les ’pro-prostitution’ avait alors été vif, durant quelques jours, par tribunes de presse interposées. Le voilà relancé à l’approche de la rentrée, avec une nouvelle tribune anti-abolitionnisme publiée dans le NouvelObs jeudi 23 juillet.
Fin juin, Najat Vallaud-Belkacem expliquait : « Nous ne cherchons pas à polémiquer mais à convaincre » et annonçait sa volonté d’organiser « une conférence de consensus » avant de légiférer. Un consensus qui sera bien difficile à trouver.
Abolitionnisme officiel
Premier rappel essentiel : la position abolitionniste n’est pas une lubie de la ministre des Droits des femmes. C’est la position officielle de la France, sur le plan international, depuis des décennies. Fin 2011, l’Assemblée nationale adoptait une résolution qui la réaffirmait.
Le discours abolitionniste reste donc le plus en vue. L’association Osez le féminisme, qui le défend, a désormais ses entrées au gouvernement – son ancienne présidente, Caroline de Haas, étant entrée au cabinet de Najat Vallaud-Belkacem. Danielle Bousquet, co-auteure du rapport très commenté au printemps 2011, est appelée à prendre la tête de l’Observatoire de la parité. Du côté des associations, le Mouvement du Nid ou la Fondation Scelles bénéficient historiquement d’une oreille attentive.
Le combat de Libé
Pour autant, les défenseurs de la prostitution, contrairement à ce qu’ils affirment, ne sont pas bâillonnés. La prise de position de Najat Vallaud-Belkacem, fin juin, n’a pas fait l’unanimité au sein du PS. Signe que les idées anti-abolitionnistes, mine de rien, avancent ?
Côté associatif, le Strass (Syndicat du travail sexuel) compte certes peu de membres mais sait se faire entendre dans les médias. D’autant qu’il est épaulé par l’association Act Up, également experte en visibilité médiatique.
Et nombre de médias leur ouvrent grand les colonnes (comme nous l’observions déjà en 2011 suite au rapport Bousquet), le NouvelObs, Rue89 ou Libération en tête. Figure incontournable de Libé, Luc Le Vaillant ne manque d’ailleurs pas une occasion – il le faisait encore le 16 août - de dénoncer ce qu’il considère comme un « puritanisme » français (parallèlement à sa défense enflammée de DSK). (...)
Le mouvement féministe lui-même est divisé. Majoritairement, il suit la ligne abolitionniste. Mais, tout comme il y a 40 ans le positionnement face à la pornographie créait des scissions chez les féministes aux États-Unis, il en est qui, aujourd’hui en France, défendent la prostitution au nom du féminisme, du droit des femmes à disposer de leur corps. Le Strass utilise ainsi cet argument.
Les femmes et leur corps ; le corps comme outil de travail... là est l’un des éléments clé du débat. Et sur ce point les défenseurs de la prostitution regroupent des troupes hétéroclites. Ainsi, parmi les signataires de la tribune du 23 août dans le NouvelObs, on trouve Élisabeth Badinter, favorable à la légalisation de la gestation pour autrui, et Caroline Eliacheff, qui y est opposée – elle avait même signé fin 2010 une tribune sur le sujet au côté notamment de... Caroline de Haas. (...)