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Cyberaction : L’agriculture biologique : priorité nationale ou alibi ?
Article mis en ligne le 24 mai 2019

En renonçant à soutenir fortement le secteur, les décideurs politiques français et européens créent les conditions d’une insécurité économique pour les futurs candidats à la transition agro-environnementale.

L’agriculture biologique est bien plus ambitieuse qu’une « agriculture sans chimie de synthèse » ; il s’agit d’une transformation profonde des bases de l’agronomie. Mise en oeuvre depuis des décennies par des millions de paysans et de paysannes à travers le monde, parfois sous le terme « d’agroécologie paysanne », elle réconcilie sociétés, paysans, environnement, animaux et territoires, et a depuis longtemps fait la preuve de ses performances. Comme l’attestent de récentes études, elle pourra sans aucune difficulté nourrir l’humanité en 2050 (1), et d’ailleurs bien mieux que n’y parvient l’actuelle agriculture conventionnelle qui laisse tous les ans 15% de l’humanité souffrir de la faim.
Les citoyen·ne·s ne s’y trompent pas et la plébiscitent. Un sondage Ifop montrait en 2017 que 86% des Français·es souhaitent l’interdiction à terme des pesticides de synthèse. Le marché des produits biologiques connaît depuis vingt ans en France une croissance annuelle à deux chiffres, avec par exemple +17% en 2017. Les agriculteurs admettent également de plus en plus la nécessité d’un profond changement de pratiques. Malgré le désengagement de l’Etat et l’insécurité psychologique et financière qui en découle, 6 000 nouvelles fermes se sont converties en 2018.

Insécurisation des agriculteurs biologiques

Il ne s’agit pas d’un effet de mode. Citoyen·ne·s comme paysan·ne·s sont de plus en plus informé·e·s sur les désastres écologiques en cours, et comprennent que l’agriculture biologique est la meilleure réponse à y apporter. Elle atténue les émissions agricoles de gaz à effet de serre et permet de s’adapter en permanence aux évolutions climatiques déjà engagées. C’est également le seul mode de production qui restaure totalement les écosystèmes, par la suppression des pesticides de synthèse et la reconstitution de milieux de vie.

Paradoxalement, c’est au moment où l’agriculture biologique et paysanne devrait devenir l’horizon de l’agriculture française que les politiques publiques françaises semblent s’en désengager. (...)

Demander à la bio d’être « rémunérée uniquement par le marché » est l’aveu d’une inquiétante ignorance des mécanismes de distorsions de concurrence qui font que le prix n’a aucun rapport avec le coût de production. S’il faut prendre cette profession de foi au mot, demandons alors à tous les agriculteurs français de rendre les subventions qu’ils ont reçues depuis quarante ans ! (...)

A ce jour, près de 20 000 agriculteurs n’ont encore pas reçu les aides environnementales dues pour 2016 et 2017. En conséquence, des milliers d’entre eux ont dû souscrire un emprunt pour pallier ce retard de trésorerie, et plusieurs dizaines sont sur le point de mettre la clef sous la porte. Les agriculteurs ayant choisi un mode de production performant, dynamique et à la pointe des combats du siècle (climat, biodiversité, santé) se retrouvent en danger de mort économique. C’est tout à la fois ubuesque et scandaleux. Le président de la République s’est engagé à ce que ces retards soient soldés avant la fin du printemps : nous espérons que cette promesse sera tenue.

Réalités agronomiques ignorées

Pire encore, le président de la République et le ministre de l’Agriculture ont évoqué leur souhait de réduire de cinq à trois ans la durée de paiement des aides soutenant la « conversion ». C’est ignorer les réalités agronomiques et économiques, c’est ignorer qu’une transition technique demande du temps et du soutien. En créant de l’insécurité, en effrayant les futurs candidats à la transition, le gouvernement semble tout faire pour ralentir la dynamique de l’agriculture biologique. Nous demandons un changement de cap pour l’agriculture française. (...)