
Le 13 juillet 2015, le premier ministre grec Alexis Tsipras signait un accord avec l’Eurogroupe ouvrant la voie au troisième mémorandum (MoU |1|), qui détaille les mesures d’austérité que doit mettre en œuvre le gouvernement grec pour avoir accès aux nouveaux prêts. Un an plus tard, comme on pouvait s’y attendre, la situation sociale s’est encore dégradée et la tutelle des créanciers sur la Grèce s’est renforcée. Le Tribunal étudiant de règlement des différends internationaux (TERDI |2|) a examiné la légalité du troisième mémorandum et a conclu dans sa décision datée du 27 juin 2016 que l’État grec était en droit d’invoquer l’argument de l’état de nécessité pour ne pas exécuter les mesures dictées par les créanciers. Il rejoint sur ce point le rapport préliminaire de la Commission pour la Vérité sur la dette grecque |3|.
La Grèce a le droit de suspendre immédiatement le programme d’austérité et le paiement de la dette
L’ « état de nécessité » est une notion de droit utilisée par les tribunaux internationaux et définie à l’article 25 du projet d’articles de la Commission de Droit International (CDI). Comme il est expliqué dans le commentaire de l’article 25, l’ « état de nécessité » est utilisée pour désigner les cas exceptionnels où le seul moyen qu’a un État de sauvegarder un intérêt essentiel menacé par un péril grave et imminent est, momentanément, l’inexécution d’une obligation internationale dont le poids ou l’urgence est moindre. En droit international, la destruction de l’État en tant que tel ou la mise en danger de la vie de personnes sont deux circonstances qui permettent d’invoquer l’état de nécessité pour suspendre des obligations internationales telles que la mise en œuvre d’accords (comme un programme d’austérité conclu entre un État et ses créanciers) et le remboursement des dettes.
« La Grèce fait face à une situation financière extrême qui ne lui permet pas de fournir les services médicaux essentiels à sa population, dont la mortalité augmente par conséquent de manière substantielle. Dès lors, le Tribunal considère que la Grèce est bien dans une situation matérielle qui constitue un péril grave et imminent au sens de l’article 25 du Projet d’articles de la CDI, et qu’elle peut donc légitimement invoquer l’état de nécessité. » (...)
À côté de la suspension du mémorandum, la Grèce est fondée à suspendre le paiement de sa dette insoutenable, d’autant que celle-ci est également qualifiée d’illégale, illégitime et odieuse par la Commission pour la Vérité sur la dette grecque.
La Grèce peut remettre en cause la validité du programme d’austérité sur le fondement juridique de la contrainte et de l’absence de bonne foi
Au delà de la suspension, c’est la validité même de l’accord du 13 juillet et du troisième mémorandum du 19 août 2015 qui peuvent être remis en cause. (...)