
Présents dans l’entreprise, les syndicats influencent la politique salariale au profit des moins rémunérés. Le déclin du syndicalisme est l’une des explication de la croissance des inégalités de revenus. Une analyse de Patrice Laroche, professeur en sciences de gestion à l’Université de Lorraine, extraite du site The Conversation.
Les écarts de revenus se sont particulièrement accentués au cours des dernières décennies. Les 10 % les plus riches se sont enrichis plus vite [1] que les 90 % les plus pauvres dans de nombreux pays de l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE). Or, un facteur peu évoqué dans les discussions sur les inégalités de revenus est l’influence des syndicats sur les politiques salariales. Que sait-on réellement du rôle joué par les organisations syndicales de salariés dans la répartition des richesses ? (...)
Un taux de syndicalisation élevé fait baisser les inégalités de revenus
Un récent rapport du Fonds monétaire international [2] montre que la présence syndicale participe à la promotion de politiques sociales redistributives [3] et contribue à réduire les inégalités salariales. Au niveau macro-économique, le taux de syndicalisation expliquerait une part importante des inégalités de revenus observés au sein de chaque pays. Ainsi, les pays scandinaves, où les taux de syndicalisation sont les plus élevés des pays de l’OCDE [4], affichent les niveaux d’inégalités de revenus les plus bas.
Toutefois, l’existence d’une corrélation, même forte, ne signifie pas pour autant qu’il existe une relation de cause à effet. Les données macro-économiques disponibles ne tiennent pas compte par exemple des caractéristiques culturelles, institutionnelles et technologiques propres à chaque pays. Celles-ci pourraient expliquer les écarts de revenus.
Il existe cependant d’autres études au sein de chaque pays qui confirment l’importance de la syndicalisation sur les écarts de salaires. (...)
Quel que soit le pays, les organisations syndicales ont tendance à privilégier des systèmes de rémunération fondés sur des critères objectifs, attachés aux emplois plutôt qu’aux individus. Cette préférence des organisations syndicales, associée à leur lutte contre les discriminations, tend à compresser l’échelle des salaires fixes. Au final, la façon dont les syndicats réduisent les inégalités dépend des caractéristiques des salariés et du degré de centralisation et de coordination de la négociation collective.
Des écarts de salaires moins grands
Des recherches ont montré que la présence syndicale avait tendance à améliorer plus particulièrement la situation des bas salaires. (...)
Mais les effets des accords d’entreprise sur la dispersion des salaires diffèrent beaucoup selon les études et les pays étudiés. En France, la seule présence syndicale dans les entreprises ne suffit pas à expliquer l’évolution des inégalités de richesse, notamment parce que, contrairement aux États-Unis, les revenus de transfert (prestations et allocations sociales) compensent partiellement les inégalités de revenus du travail et de capital. En Allemagne [12], les syndicats affectent non seulement le niveau et la dispersion des salaires mais aussi l’ensemble des composantes de la rémunération. Ils agissent notamment sur le salaire des dirigeants d’entreprise dans le cadre de leurs prérogatives dans les conseils d’administration.
La santé économique des entreprises passe par une répartition moins inégalitaire des profits
Le déclin syndical auquel on assiste depuis plusieurs années explique en partie l’accroissement des inégalités de revenus dans les pays développés. Face à l’offensive de plus en plus marquée du capitalisme financier qui ne se préoccupe que de l’enrichissement de ses actionnaires (les revenus du capital ont progressé plus vite que les revenus du travail depuis 25 ans), il est important de rappeler que l’entreprise est un « objet d’intérêt général ».
Si les entreprises veulent demeurer compétitives, il faut que l’ensemble des salariés soit directement concerné par la prospérité de l’entreprise. (...)