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Comment les maires peuvent réduire les inégalités
L’analyse de Noam Leandri et Louis Maurin de l’Observatoire des inégalités.
Article mis en ligne le 10 mars 2020

Les marges de manœuvre des maires sont réduites en matière de redistribution des revenus. Pourtant, du logement à la petite enfance, leur action a un impact essentiel sur les inégalités.

Les communes fournissent un ensemble de services publics de base indispensables à leurs habitants : entretien des écoles, de la voirie, gestion de l’état civil, etc. Elles vont bien au-delà – parfois en agissant à un niveau intercommunal [1] – et disposent de nombreux instruments d’action pour améliorer la qualité de vie et réduire les inégalités dans des domaines essentiels. Les maires ont de quoi mener des politiques ambitieuses dans ce domaine. Encore faut-il qu’ils s’en saisissent.

1- Des services pour tous ?

L’organisation d’activités périscolaires et de loisirs en général par les mairies permet aux plus jeunes des familles modestes d’accéder à des services qui leur seraient hors de portée s’ils devaient en payer le véritable prix. La qualité de ces services est déterminante dans la vie des enfants. Le soutien aux maisons de quartiers ou de la jeunesse et aux associations qui travaillent avec les jeunes constitue un élément clé de ce dispositif.

À l’autre bout de la chaîne des âges, l’hébergement et les activités proposées (souvent via le centre communal d’action sociale) aux personnes âgées a la même fonction : elle permet aux plus modestes d’accéder à des services inaccessibles sinon. (...)

Les options politiques prises par les maires [2] dans les années qui viennent auront un impact énorme pour les personnes en perte d’autonomie. (...)

L’existence d’un réseau de transports en commun de qualité est peu important pour ceux qui ont les moyens d’avoir recours à la voiture, mais essentiel pour les plus modestes. Les horaires, la desserte des quartiers, les tarifs ont un impact direct sur la capacité de déplacement pour se rendre au travail ou accéder aux services éloignés. (...)

Enfin, la politique de la petite enfance joue à un double niveau. Le soutien par les communes à l’accueil des jeunes enfants est d’abord un élément qui a un impact sur développement de l’enfant lui-même. La qualité du service détermine la qualité des premières années de la vie. En même temps, la possibilité d’avoir accès à un mode de garde pour un coût modeste rend moins difficile l’activité professionnelle des femmes, et, partant, réduit les inégalités entre les femmes et les hommes. (...)

3- Logements et urbanisme : un pilier

La politique locale du logement permet aux plus démunis d’accéder à des conditions dignes d’habitat et organise la répartition des catégories sociales sur le territoire. En 2016, le quota de 20 % de logement sociaux imposé par la loi dans les grandes villes ou agglomérations n’était respecté que par la moitié des villes assujetties [4]. Un grand nombre de maires ont refusé l’arrive de catégories populaires sur leur territoire, quitte parfois à payer des pénalités. (...)

L’urgence sociale et la mixité ne sont pas faciles à mettre en œuvre conjointement dans un parc où le logement social est souvent concentré dans des quartiers bien délimités de la commune.

La qualité des logements et de leur environnement compte autant que leur nombre. Dans certaines communes, les logements sociaux ne correspondent plus aux normes d’habitation : dégradés, éloignés de toutes activités, mal desservis par les transports, etc. Certains se retrouvent ainsi inoccupés.

Au-delà du logement social, les plans d’urbanisme édictés par les communes favorisent l’implantation d’activités et de services dans les quartiers d’habitation et ont un impact sur la ségrégation spatiale. (...)

La mixité sociale dépend pour beaucoup de la mixité « fonctionnelle » qui relève de l’urbanisme (emplois, commerces, culture, loisirs, écoles, transports, etc.) plus que du seul logement.

4- Action sociale : l’urgence pour les plus modestes

Les dépenses d’action sociale des communes, menées principalement par les centres communaux d’action sociale (CCAS), atteignaient plus de 9 milliards d’euros en 2018 [5]. Une goutte d’eau dans l’ensemble des prestations sociales au niveau national (environ 600 milliards d’euros) mais ce sont des dépenses libres, non contraintes par des prestations obligatoires nationales (comme les allocations logement ou familiales), qui peuvent être adaptées aux besoins spécifiques des habitants de la commune. Pour les plus démunis, le CCAS est souvent l’ultime recours avant la rue.

Les CCAS sont plus ou moins engagés dans la lutte contre les inégalités, mais beaucoup favorisent l’accès aux droits sociaux des personnes vulnérables, handicapées ou âgées en les aidant à monter leurs dossiers de demande de prestation auprès des caisses d’allocations familiales, par exemple. Ils gèrent aussi parfois des équipements et services destinés à la petite enfance (...)

On pourrait imaginer que des communes décident de mettre en place un revenu minimum local, comme cela a été fait par exemple à Grande-Synthe dans le Nord. En particulier pour les plus jeunes qui, entre 18 et 25 ans, n’ont le droit à des allocations que sous des conditions très restrictives (...)

Une telle politique serait coûteuse pour les finances locales pour les villes qui voudraient agir seules, mais la question se pose, faute d’action au niveau national.

5- Réduire les inégalités au sein de l’emploi communal

Les communes et communautés de communes emploient 1,5 million d’agents, soit plus d’un quart de la fonction publique en 2017 [6] . Un tiers des fonctionnaires communaux sont recrutés sur contrat et non pas par la voie du concours. Ces contractuels sont soumis à un statut plus précaire et moins égalitaire que leurs collègues, tant par rapport à l’avancement qu’au mode de recrutement qui renforce le risque de favoritisme, voire de népotisme.

Ces agents ne disposent d’aucune indemnité de fin de contrat, contrairement aux CDD du privé qui touchent une prime de précarité. Mais l’univers des contractuels est composé de deux types d’emplois : d’une part des cadres bien rémunérés (c’est d’ailleurs le contrat qui leur permet de déroger aux règles de rémunération de la collectivité) et renouvelés régulièrement, d’autre part des précaires peu qualifiés, employés dans des conditions encore plus mauvaises que dans le secteur privé.

Les communes peuvent également agir dans le domaine de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. (...)

Les niveaux de rémunération sont très encadrés au niveau communal mais rien n’empêche une commune de favoriser, par le biais de primes notamment, les personnes du bas de l’échelle et de réduire ainsi les écarts. Les mairies peuvent également mener des politiques de formation des employés communaux les moins qualifiés et de réduction de la précarité.

La commune constitue-t-elle un territoire pertinent pour lutter contre les inégalités ?

Les communes n’ont pas toutes les cartes en main. Fiscalité, emploi, éducation, santé : sur un grand nombre de mécanismes de réduction des inégalités, les communes ont des marges de manœuvre étroites. Toutefois, elles disposent d’outils très concrets pour favoriser l’égalité d’accès au logement abordable, aux transports, aux loisirs et à la culture notamment. (...)

La proximité des élus avec leurs administrés dans les petites ou moyennes communes leur offre la capacité de répondre au plus près aux besoins des habitants, de faire un peu de cas par cas, quand c’est possible. Même si, il est vrai, l’existence d’une myriade de toutes petites communes limite la capacité d’intervention et l’efficacité des plus petites. En mutualisant les moyens, les communes se donnent des marges de manœuvre potentielles pour combattre les inégalités. À condition tout d’abord qu’au sein des regroupements, les communes favorisées jouent le jeu de la solidarité envers celles qui le sont moins. À condition aussi que cette gestion mutuelle préserve du lien de proximité entre les services sociaux et les administrés. (...)

La manière dont est organisée l’offre culturelle (médiathèques, école de musique, salles de spectacles, etc.) a des conséquences directes dans la démocratisation de l’accès la culture.