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Paris-Match
Comment les géants du web mènent la bataille de la vie privée
Article mis en ligne le 9 mai 2019
dernière modification le 8 mai 2019

Confrontées à la pression des consommateurs, des associations et de certains gouvernements, les grandes entreprises de la tech espèrent démontrer qu’elles sont prêtes à protéger la vie privée de leurs utilisateurs. Jusqu’à tenter de se différencier les unes des autres sur cette question sensible.

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Ken Glueck est un habitué des médias. Certaines de ses diatribes anti-Google ont rencontré un franc succès dans la presse américaine. Le contact aisé, cet Américain sait plaisanter en évoquant sa passion pour les cafés Starbucks ou en racontant que sa fille lui coûte trop cher en forfait téléphonique. Depuis bientôt neuf ans, Oracle accuse Google d’avoir indûment utilisé du code informatique qui lui appartient. L’hostilité de l’« executive vice president » à l’égard du géant de Mountain View serait-elle motivée par ce procès titanesque ? « Nous sommes au cœur d’une bataille mondiale pour la vie privée, qui aboutit dans certains cas à une sur-régulation sauvage et dans d’autres, à la sous-régulation d’acteurs majeurs. Nous voulons nous assurer que la régulation vise les grands du secteur, pas tous ceux qui se trouvent participer de près ou de loin à l’économie de la donnée », répond Ken Glueck. « Google prétend que tout est gratuit et ouvert. Mais ce n’est pas gratuit, ce n’est pas ouvert ! », ajoute-t-il. Avec Oracle, vous payez pour le service que vous obtenez, plaide-t-il en substance. Avec Google et Facebook, vous obtenez un service mais vous ne savez pas combien vous payez, puisque vous n’avez forcément conscience de la quantité de données que vous leur cédez. Le modèle de la gratuité serait un piège, car plus vous utilisez le service en livrant sans cesse des informations personnelles, plus la valeur accumulée de ce que vous cédez s’éloigne de celle du service rendu qui, lui, ne s’améliore qu’à la marge.

Chez Google, on ne laisse pas passer les attaques d’Oracle contre Android. Un porte-parole de la firme indique à Paris Match que « les affirmations d’Oracle sont inexactes et trompeuses ». L’entreprise affirme limiter la collecte d’informations sur Android aux données nécessaires au fonctionnement de la plateforme et aux données collectées lors de l’utilisation des applications Google. Google souligne aussi que l’enregistrement de l’historique des positions est désactivé par défaut et que l’utilisateur doit spécifiquement demander son activation au moment de l’initialisation de son téléphone. Pour l’entreprise, il est donc fallacieux d’affirmer que les services pointés du doigt par Oracle sont activés sans le consentement de l’utilisateur.
"Dites-nous quelles sont les règles, appliquez-les à tout le monde"

Les données sont un véritable eldorado pour les géants du web. Le marché de la publicité en ligne devrait représenter 129 milliards de dollars en 2019 rien qu’aux Etats-Unis selon le cabinet eMarketer, un montant supérieur à tous les autres canaux de diffusion. La valeur de ces publicités dépend de la précision du ciblage que les grandes plateformes offrent aux annonceurs , Google (38% du marché selon eMarketer) et Facebook (22%) en tête. Tous les acteurs se sont lancés dans la course à cette matière première incontournable pour toute tentative de ciblage : les informations permettant de connaître son client. Même Oracle, une entreprise qui rejette fièrement le modèle gratuit de Google et Facebook, s’aventure sur ce terrain. (...)

Face à la mobilisation des activistes et de certains gouvernements, la protection des données est devenue un enjeu capital pour les géants du web. Chacun tente désormais de se différencier. « C’est un créneau de communication porteur en ce moment », ironise un connaisseur qui officie pour l’un des GAFA. Parmi les hérauts de la protection de la vie privée, Tim Cook, le patron d’Apple, a récemment signé une tribune dans « Time ». Il y proclame qu’« en 2019, le temps est venu de se battre pour la protection de la vie privée : la vôtre, la mienne, celle de nous tous ». En novembre dernier, il avait déjà tenté de distinguer Apple de ses rivaux dans une interview à Axios : « Votre appareil mobile a de vous une connaissance incroyable, mais en tant qu’entreprise, je n’ai pas besoin de l’obtenir. » Un message en apparence à l’opposé des pratiques de Google et Facebook, dont l’activité dépend des données qu’ils collectent. L’accumulation des scandales depuis les révélations d’Edward Snowden sur la collaboration des géants du web avec la NSA (l’agence de sécurité nationale américaine) a accru la pression. (...)

Le RGPD autorise des entreprises ou des administrations à traiter des données personnelles si ce traitement est nécessaire au service qu’on leur demande. Mais Facebook a complètement dévoyé cette logique-là en considérant que les gens viennent sur Facebook pour être surveillés et pour avoir de la publicité affichée ! Nous estimons que ce n’est pas pour cela que la majorité des gens utilise Facebook. Il faudrait donc recueillir leur consentement », s’agace Arthur Messaud, juriste à La Quadrature du Net, une association qui a lancé des poursuites contre Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft. (...)

Face à la mobilisation des activistes et de certains gouvernements, la protection des données est devenue un enjeu capital pour les géants du web. Chacun tente désormais de se différencier. « C’est un créneau de communication porteur en ce moment », ironise un connaisseur qui officie pour l’un des GAFA. Parmi les hérauts de la protection de la vie privée, Tim Cook, le patron d’Apple, a récemment signé une tribune dans « Time ». Il y proclame qu’« en 2019, le temps est venu de se battre pour la protection de la vie privée : la vôtre, la mienne, celle de nous tous ». En novembre dernier, il avait déjà tenté de distinguer Apple de ses rivaux dans une interview à Axios (...)

Le RGPD autorise des entreprises ou des administrations à traiter des données personnelles si ce traitement est nécessaire au service qu’on leur demande. Mais Facebook a complètement dévoyé cette logique-là en considérant que les gens viennent sur Facebook pour être surveillés et pour avoir de la publicité affichée ! Nous estimons que ce n’est pas pour cela que la majorité des gens utilise Facebook. Il faudrait donc recueillir leur consentement », s’agace Arthur Messaud, juriste à La Quadrature du Net, une association qui a lancé des poursuites contre Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft.

Face aux accusations, Facebook a pris des initiatives. Le réseau social a promis de nouvelles conditions générales d’utilisation, qui n’ont pour l’heure pas été dévoilées et qui entreront en vigueur avant la fin du premier semestre 2019. La Commission européenne a applaudi. (...)

Facebook comme Google insistent sur le fait que les données personnelles qu’ils exploitent ne sont jamais directement communiquées aux annonceurs. Mais l’utilisation des données à des fins publicitaires n’est pas le seul problème que pose la collecte massive réalisée par les géants du web. La semaine dernière, Bloomberg a révélé dans un article stupéfiant que Amazon employait des salariés pour écouter des extraits sonores captés par ses enceintes connectées Echo. L’objectif : améliorer les performances de la reconnaissance vocale en donnant à des humains la tâche de classer et de qualifier certains sons (...) les salariés d’Amazon peuvent entendre une femme qui chante à tue-tête sous la douche ou les hurlements d’un enfant, voire même ce qui ressemble à une agression. « Les employés n’ont pas accès directement aux informations qui peuvent identifier la personne ou le compte dans le cadre de cette activité », a répondu à Bloomberg un porte-parole d’Amazon. (...)

Pour Arthur Messaud, les géants du web ont tous, à des degrés divers, de mauvaises pratiques. L’exemple des enceintes d’Amazon est selon lui révélateur. « On l’avait dit dès l’année dernière à propos de [l’assistante personnelle virtuelle] Cortana de Microsoft. Toutes les technologies basées sur l’intelligence artificielle nécessitent des interventions humaines pour éduquer le système. Et ça demande toujours des violations de la vie privée. » (...)

Devant les tribunaux ou auprès des autorités de régulation telles que la Cnil française en charge des questions de vie privée, plusieurs procédures sont en cours pour contraindre les mastodontes de la tech à plus de transparence et pour redonner aux utilisateurs le contrôle de leurs données. La prochaine bataille pourrait bien se dérouler sur le terrain politique. Si, en France, Google et Facebook ont été salués par l’exécutif pour leurs initiatives sur le territoire, une autre partition est jouée par certains responsables politiques outre-Atlantique. Certains conservateurs pro-Trump accusent ces entreprises de répercuter dans leurs produits des biais politiques. A gauche, la sénatrice Elizabeth Warren, candidate à la primaire démocrate qui compte parmi les prétendants les plus sérieux, a formulé une proposition radicale pour mettre fin au règne de « Big Tech » : démanteler Google, Amazon, Facebook et peut-être même Apple. « Les grandes entreprises technologiques ont trop de pouvoir -sur notre économie, notre société et notre démocratie », avertissait l’élue du Massachussetts le mois dernier. Sa solution consisterait à mettre fin à la concentration des activités (...)