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Mediapart
Collèges et lycées : Blanquer pas vacciné contre les suppressions de postes
Article mis en ligne le 17 février 2021

L’ombre planait depuis septembre, lorsque le « budget 2021 » de l’Éducation nationale a été rendu public, avec la suppression de 1 883 postes dans le secondaire. Mais depuis deux semaines, collèges et lycées reçoivent ce qu’on appelle leur « dotation horaire globale », soit le nombre d’heures d’enseignement dont disposera chaque discipline. Et là, « tous les établissements connaissent une forte diminution des moyens, que ce soit des suppressions de postes, une hausse des effectifs en classe ou une baisse de l’offre d’options et spécialités », indique Sophie Vénétitay, secrétaire générale adjointe du syndicat Snes-FSU (premier syndicat dans le secondaire).

« Ce qui est assez frappant, c’est que tous les types d’établissement sont concernés, ceux de zone rurale comme urbaine, ainsi que l’éducation prioritaire, jusque-là épargnée. »

Pourtant, en 2021, le budget de l’Éducation nationale sera le plus élevé de l’État, avec 55,1 milliards d’euros, dont 53,6 milliards dédiés à l’éducation, en hausse de 1,6 milliard par rapport à 2020. Si le solde d’emplois reste stable, c’est parce que 2 039 postes doivent être créés dans le premier degré, la priorité de Jean-Michel Blanquer. « Le ministre n’a jamais caché que le second degré n’était pas sa priorité et qu’il allait supprimer des moyens, mais ça n’avait jamais atteint une telle ampleur », pointe Sophie Vénétitay, du Snes.

Depuis plusieurs années, l’enseignement secondaire perd des postes, dont environ 5 000 emplois supprimés dans les collèges et lycées depuis la rentrée 2018, malgré 30 000 élèves en plus chaque année. Concrètement, avec cette baisse de la « dotation horaire globale », ce sont 53 postes en moins dans les collèges et lycées de la Manche, 35 dans l’Aveyron, 54 dans le Puy-de-Dôme, 60 sur l’académie d’Aix-Marseille…

« Les heures d’enseignement représentent des postes mais aussi les modalités d’accompagnement des élèves, traduit Nicolas Anoto, délégué national collèges-lycées du syndicat SE-Unsa. C’est impossible, avec 30 élèves, de faire des débats en éducation morale et civique, d’utiliser les laboratoires de sciences, d’avoir des petits groupes en langues… Ces heures sont donc supprimées faute de dotations supplémentaires. » Des classes ferment, d’autres sont en sureffectif. Ce sont des options et des spécialités qui sont supprimées, des travaux pratiques qui n’auront plus lieu, des heures d’accompagnement d’élèves en difficulté qui ne pourront être assurées.

Dans l’éducation prioritaire, les collèges et lycées de REP et REP+ perdent des moyens et devront gérer des classes de plus de 28 élèves, là où elles devraient être limitées en principe à 24 ou 25 élèves.

Pourtant, l’Éducation nationale se défend de toute coupe budgétaire : les postes supprimés seront compensés par des heures supplémentaires, l’équivalent de 1 000 postes selon le ministère. Les professeurs ont d’ailleurs, depuis 2019, l’obligation d’en accepter deux par semaine, portant à 20 heures le temps devant les élèves – auxquelles s’ajoute évidemment la préparation des cours.

« Les heures supplémentaires ne se répartissent pas sur tous les personnels », indique cependant Nicolas Anoto du SE-Unsa. Surtout, « elles ne sont jamais toutes pourvues dans les établissements ». (...)

Pour Sophie Vénétitay, du Snes-FSU, ces heures supplémentaires ne sont qu’un « tour de passe-passe » qui ne permet pas de remplacer tous les emplois. « Tous les enseignants n’ont pas envie de faire d’heures supplémentaires et l’Éducation nationale refuse de plus en plus de temps partiels à cause du manque d’heures, réagit aussi Laurent Frajerman, professeur agrégé d’histoire au lycée Lamartine (à Paris) et chercheur au Centre d’histoire sociale de Paris. On est en train de créer de la souffrance du côté des professeurs mais aussi des personnels de direction. Ce sont eux qui doivent faire accepter les heures supplémentaires, et cela crée des tensions dans les établissements. »

L’incompréhension est d’autant plus grande qu’à la fin janvier, l’Éducation nationale a annoncé avoir économisé 200 millions d’euros sur son budget 2020, l’équivalent de 4 200 postes d’enseignants. Pour le chercheur, il y a une véritable tendance à la réduction des dotations dans le second degré, qui « n’est pas que du fait de Jean-Michel Blanquer ». (...)

Par ailleurs, du côté des personnels de « vie scolaire », il n’y aura pas de créations de postes, malgré l’augmentation du nombre d’élèves, la surcharge de travail due aux protocoles sanitaires et les effets du confinement. (...)

Des postes en moins, des élèves en plus, et l’impossibilité de dédoubler des classes : pour les syndicats, l’équation est d’autant plus ahurissante que la crise sanitaire pèse. « Dans des pays comme l’Italie, il y a eu des embauches massives de personnels éducatifs pour gérer les petits groupes, mais la France, elle, fait l’inverse », réagit Nicolas Anoto (SE-Unsa). « Le quotidien est compliqué pour les élèves mais Blanquer n’en prend pas la mesure et maintient une rentrée dans des conditions déplorables, insiste Sophie Vénétitay (Snes-FSU). Il y a une obsession de l’économie à tout prix. Je ne sais pas comment on va faire pour mettre en place des dispositifs pour travailler avec les élèves en difficulté… »

Les syndicats demandent donc un gel des suppressions de postes, le temps de trouver où dégager des moyens pour une rentrée dans de meilleures conditions en septembre. Déjà, des parents d’élèves se mobilisent au côté des équipes pour dénoncer « la casse » de l’enseignement secondaire.

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"Pour réduire le déficit budgétaire, une réduction très importante des investissements publics ou une diminution des dépenses de fonctionnement ne comportent pas de risque politique."....