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Séverine et Fabien, deux sans-abri en quête d’une vie sans squat
Article mis en ligne le 13 juillet 2018
dernière modification le 12 juillet 2018

Coincés depuis plusieurs mois dans une existence de sans-abri, Séverine et Fabien se démènent pour sortir de la rue. Saisonniers dès qu’ils le peuvent, ils s’accrochent désormais à un futur sans squat. Mais le cercle est vicieux : pas de boulot stable, pas de maison ; pas de maison, pas de boulot stable. Depuis quelques mois le couple bosse chez Valérie, la propriétaire du domaine de Chastelet. La quadra s’est donné une mission : aider les amoureux à prendre leur envol. Un portrait signé par le média en ligne Sans A.

À quelques encablures de l’espace Darwin, temple bordelais du street-art et des scènes sagement alternatives, l’ancien site industriel, abandonné depuis 2012, est vite oublié dans l’obscurité tombante. Ici pas d’électricité, juste des murs tagués et des sanitaires qui en font le refuge de ceux qui n’en ont pas.(...)

Comme plus de 140 000 personnes en France, Séverine et Fabien sont sans-abri. Depuis l’automne ils sont SDF. Clochards. Clodos, comme on dit. Le squat, « c’est la misère, la tristesse », mais c’est toujours mieux que le sol de la voiture ou la tente quand il gèle. Comme cet hiver, où Séverine a fini aux urgences à force d’enchaîner les gastros. « Fafa, lui, c’est la première fois qu’il est à la rue. Mais moi c’est la quatrième. Et quand tu arrives à 38 ans, t’es fatiguée. Parce que c’est toujours la même rengaine : tu t’en sors, tu redégringoles, toujours dans la même misère, y’a pas d’électricité, tu as constamment froid, faut faire chauffer l’eau… Quand t’es jeune ça va. Mais quand tu commences à prendre de l’âge, c’est fatiguant. Cet hiver ça m’a vraiment, vraiment épuisée. J’pense pas que j’arriverai à supporter un autre hiver comme ça. J’pense pas. Physiquement et moralement, j’en peux plus. »

Main dans la main, piercings dans la peau, Fabien et Séverine font faire le tour du propriétaire. Le barbu, accroché à sa canette de Koenigsbier comme on se maintient debout malgré tout, pointe du doigt les anciens bureaux qui ont pris feu en avril. « Avant, on dormait là. On a déménagé juste avant que ça n’arrive… » Quelques jours avant l’incendie, un corbeau a crié dans la nuit. Ou dans le rêve de Séverine. Peu importe le résultat fut le même : un déménagement précipité à quelques mètres de-là, une ancienne salle de repos d’une vingtaine de mètres carrés. C’est ici qu’à sept – les trois chiens et deux rats mâles complètent la famille – on vit, survit, tente de dormir malgré les hurlements.(...)

À la roulette russe de la vie, la Bordelaise n’a pas tiré la meilleure chambre. La mère, prostituée, est battue par le père. On déménage un peu partout en région Aquitaine. « Mon enfance à la maison, pour t’expliquer… tu vois comment était Cendrillon ? Et bien je faisais que ça : le ménage, m’occuper de mon frère, j’avais pas le temps pour mes études… À 18 ans, je suis partie. » Elle suit « l’amour de (sa) vie » et sa belle-famille sur les chemins de traverse. « C’était une troupe de circassiens, on est partis pour la région PACA, on a fait Toulouse, Fréjus… » La vie de bohème, les nuits en caravane, un bébé dans la foulée. « Puis je me suis séparée du père de ma fille car il me tapait dessus. Comme il gagnait sa vie il a eu la garde et moi je me suis retrouvée à la rue pour la première fois. J’avais 24 ans. »(...)

« C’est comme ça, sourit la clopeuse, on est des punks à chiens. » Les trois bâtards sont tout pour le couple : une compagnie, des protecteurs, des enfants(...)

Cet après-midi-là, les squatteurs du quai Brazza l’ont passé à bosser dans les vignes. Les pieds dans les bottes, les bottes dans la boue. Sur les coteaux du château de Chastelet, à Quinsac, il faut planter des clous sur les poteaux. « C’est pour accrocher les fils. Quand les vignes auront un peu poussé, on les relèvera pour les mettre au premier clou, puis au deuxième… Les vignes, ça s’apprend en regardant ! » En fait, tout s’apprend. Et des métiers, le duo en a des dizaines dans leurs poches, qu’ils dégainent selon les lieux et saisons. « On est curieux, on s’intéresse à tout et moi j’aime apprendre de nouveaux trucs. » Séverine a été aide au service hospitalier dans des maisons de retraite, a bossé « dans les asperges, dans les durites de voiture, autour des bagnoles, avec les chevaux, les chèvres… » Quant à l’ancien mauvais élève, un temps carreleur-mosaïste, c’est dans les prés qu’il a lui aussi trouvé son idéal. « J’veux plus bosser ailleurs que dehors, ça me rend trop malheureux d’être enfermé. »

Sur Facebook ou grâce aux potes, on dégote les bons plans pour quelques heures ou jours en tant que saisonniers. (...)