
(...) Les immigrés incarcérés ont très vite changé d’avis. Pas pour demander à être « rapatriés », ne pouvant plus supporter les conditions de détention invivables et les moyens brutaux utilisés par l’État grec, mais en transformant leur désespoir en rage et révolte.
Le samedi 10 août 2013 au soir, dans le camp isolé et muré d’immigrés sans papiers d’Amygdaleza, le plus grand centre de rétention en Grèce, dont la première année de fonction est stigmatisée par des tortures physiques et psychologiques constantes, les damnés brûlent les murailles et les consciences, et deviennent au moins pour quelques instants visibles avec leur corps et leur voix.
À vingt-cinq kilomètres du centre d’Athènes, dans un no man’s land immense et inaccessible, où des barbelés succèdent aux flics qui succèdent aux barbelés, les insurgés immigrés mettent le feu aux conteneurs-cages, attaquent leurs geôliers avec des bouteilles en plastique et du gravier, essaient de briser les portes en fer et les clôtures, et dix d’entre eux trouvent provisoirement le chemin de la liberté, hors de ce qu’ils appellent le « Guantanamo grec ». (...)
Les immigrants arrêtés comme responsables de l’insurrection sont amenés au « centre de détention de Petrou Ralli » et au commissariat de police de Menidi, où ils sont « accueillis » avec des bastonnades et des humiliations. Aux détenus d’Amygdaleza la police impose l’interdiction de sortir pendant presque dix jours ; ils restent ainsi « enterrés » dans des conteneurs, dont plusieurs sans électricité, d’autres sans eau, l’atmosphère étant suffocante à cause des gaz lacrymogènes. Ils sont privés de toute communication, même avec des avocats, et ils subissent le travail forcé qui va du nettoyage des locaux du camp jusqu’à celui des voitures des flics. Un immigrant, qui n’était pas impliqué dans les événements, est meurtri par les coups des flics, juste parce que son avocat avait réussi à parler avec lui quelques minutes avant.
Dans le centre de Petrou Ralli, les immigrants endurent chaque soir les tortures et la terreur racistes. La nourriture est insuffisante et misérable.
Le lundi 12 août, cinquante-sept immigrés originaires du Pakistan, du Bangladesh, d’Afghanistan et du Maroc sont transférés au tribunal. Sans avocats (à l’exception de deux ou trois qui étaient là par conscience, sans être partie prenante de la procédure), sans traducteurs, avec un interprète désigné, sans comprendre ce qui se passe et ce qui va leur arriver. Ils sont accusés de crimes : révolte avec tentative d’évasion violente, attaque contre des personnes chargées de la garde à vue, évasion et tentative d’évasion, graves lésions corporelles, incendie criminel en commun, destruction de propriété étrangère, outrage.
En réalité, il n’y a qu’une seule « accusation » : rébellion contre l’enfer qu’ils vivent chaque jour. (...)
Il n’y a pas de loi, il n’y a pas de « droit » pour les accusés. Pas de journalistes, d’éditorialistes « sensibles » à cette cause, de groupes, de réseaux ou d’organisations « pour les droits des réfugiés et des migrants », de centaines d’organisations avec des noms ronflants et des déclarations pompeuses pour rien, de « communautés immigrées », d’ONG subventionnées pour garder le silence. PERSONNE. Le désert et les barbelés du camp s’étendent partout. Il y a seulement quelques « ordres d’en haut » et la moquerie. Il y a le mensonge ordonné par le pouvoir, les mots usurpés camouflant l’horreur des actes appellent Opération « Xenios Zeus » la chasse à l’homme quotidienne des migrants dans les villes et la campagne, nomment « centres d’hospitalité » les lieux de la persécution de personnes dont la seule « erreur » est le fait d’exister. Il y a aussi le martèlement des médias dominants et des faiseurs d’« opinion publique » (...)
Pendant les trois, quatre derniers mois, il y a eu des dizaines de tentatives de suicide dans les camps, tandis que de nombreux incidents de protestation, de réaction et de répression sont systématiquement cachés par la police et le gouvernement.
Et la longue liste de la meurtrière politique antimigratoire augmente tous les jours. (...)
La solidarité avec les immigrés insurgés, seuls à se battre en temps « d’accalmie estivale et de relâche du mouvement », est partie prenante de la lutte contre l’exploitation, l’humiliation, l’esclavage, la mort, c’est-à-dire contre tout ce que représentent et défendent le pouvoir, les petits et grands patrons, les fascistes et leurs sbires.
Les migrants, par leur soulèvement, défendent la meilleure part de la société. Nous devons également les défendre dans leur quotidien invivable.
Nous sommes et nous serons avec eux.
Force et solidarité avec les migrants révoltés d’Amygdaleza !
Démolissons les camps de concentration d’immigrant•e•s !