
Le tribunal administratif a rejeté mercredi la demande du barreau de Lyon de fermer le centre de rétention 2, connu sous le nom de « CRA du futur ». Dans un référé, l’Ordre dénonçait les conditions de vie « indignes » dans lesquelles vivaient les retenus. Les juges ont majoritairement suivi l’argumentaire de l’État
« Les juges des référés reconnaissent que l’accueil d’une population de retenus sortant de prison ou connus pour des troubles à l’ordre public dans les locaux “ultra-sécurisés” génère une violence endémique et nécessite des aménagements particuliers, constatent-ils. Pour autant, ils considèrent que cette demande d’injonction […] ne relève pas des pouvoirs du juge statuant en urgence. » (...)
Cette action en justice, « rare », n’est pas venue du jour au lendemain. Fin 2022 déjà, le bâtonnier de Lyon s’est rendu dans ce qu’on nomme déjà à l’époque le « CRA du futur ». Pour cause : le centre de rétention doit servir de modèle à bien d’autres. Quelques mois à peine après son ouverture, les avocats s’inquiétaient déjà. Ils y sont retournés en 2023, puis en 2024…
À chaque fois, les différents bâtonniers ont constaté que les conditions de vie des retenus sont « indignes », pire que celles du CRA 1, pourtant déjà réputé comme très problématique. (...)
« Tout est fait pour reproduire un univers carcéral, mais sans cadre légal », lâche Me Franck Heurtrey, qui a représenté le barreau devant le tribunal administratif.
De multiples rapports sur le CRA 2 de Lyon (...)
La vice-bâtonnière Sara Kebir défend une démarche « contrainte » par un manque de réaction de l’État. À chaque visite, des rapports ont été produits, expose-t-elle. À chaque fois, ils n’ont pas trouvé de réponses de la part de l’administration du centre de rétention, selon l’Ordre.
À ces visites s’est ajoutée une inspection, très critique, de la Contrôleuse générale des lieux de privation de liberté (CGPL). (...)
Devant le juge, l’avocat a notamment insisté sur « l’encellulement » des migrants. Une pratique faite hors de tout cadre légal selon le barreau de Lyon. Les retenus sont placés dans une salle à l’isolement, pour une période pouvant aller jusqu’à 48 heures, sans aucune notification.
En mars, Rue89 Lyon avait pointé, dans une enquête sur ce centre de rétention, qu’un retenu avait été blessé au cours d’une de ces périodes d’isolement. Le juge des libertés et de la détention avait alors libéré le retenu pour « atteinte à sa dignité humaine ». Sa décision avait été cassée en appel.
Dans son argumentation, le barreau a également pointé l’usage d’un kit de contention dans cette cellule. Un dispositif mis en place hors de tout cadre légal, à nouveau. (...)
si les lieux ont tout d’une prison, les retenus n’ont pas de peine à purger. Si une bonne partie d’entres eux ont été condamnés par un juge dans le passé, ils sont déjà passés par la case carcérale. En ce sens, ils n’ont rien à (re)faire dans ce qui ressemble à une prison.
Autant de points qui ont motivé l’Ordre à réaliser une action très rapide par une procédure de référé-liberté. (...)
Des arguments qui n’ont pas convaincu le tribunal. Les juges des référés ont ainsi estimé que les conditions d’hébergement dans les chambres de mise à l’écart n’apparaissent pas « contraires à la dignité humaine », dès lors notamment que les personnes qui y sont retenues « continuent de bénéficier d’un suivi par le personnel médical » et conservent l’accès aux associations présentes au centre. (...)
D’autres actions seront-elles menées ? c’est probable. D’autant que le « CRA du futur » est censé faire de nombreux petits si le nouveau ministre de l’intérieur, Bruno Retailleau (parti Les Républicains – LR), parvient à faire passer une nouvelle loi sur l’immigration. Celui pour qui « l’État de droit, ça n’est ni intangible ni sacré », est un fan de la rétention. (...)
« Cette décision reste une étape dans le long processus engagé par les avocats et les défenseurs des droits quant au traitement des personnes retenues en France », estime pour sa part l’avocat Franck Heurtrey. Pour lui, il ne fait pas de doute que ce travail de « longue haleine » se poursuivra au-delà de cette décision.
Il se pourrait cependant qu’il y ait urgence. Dans la nuit du 17 au 18 octobre, un retenu est décédé au centre de rétention administrative du Mesnil-Amelot (Seine-et-Marne). À voir si les dispositions en place suffiront à éviter un tel drame à Lyon.