
« Au cours de l’année, mon domicile est devenu une terre d’asile, “la terre de l’homme fou qui aide sans réfléchir”, disait Ousman, venu du Tchad. Seulement trois hectares de terre protégeant des hommes et des femmes poussés par la volonté de vivre. Un “camp” pour certains, une utopie pour d’autres. Le préfet n’est pas la justice, seule la justice peut entrer en propriété privée. Ici les Noirs pourchassés devenaient des hommes ayant des droits, et le préfet n’en voulait pas.
Cette terre de paix s’est transformée au fil des mois en camp retranché.
Ce refuge s’est vu encerclé par les forces armées de l’État français. Jour et nuit, ils étaient des dizaines d’hommes à se relayer pour épier, surveiller, traquer. Sur les routes, les hommes armés ont encerclé le havre de paix, empêchant femmes, hommes et enfants d’accéder aux droits fondamentaux de notre République. L’État est devenu la terreur des faibles. Ici ce n’est plus la France. Ici c’est le Soudan, l’Érythrée, le Tchad, la Somalie, ici, c’est la Libye.
Ça fait peur parfois, surtout la nuit, quand on entend la porte grincer. C’est la nuit qu’on imagine le pire, les rêves font resurgir les émotions de la journée. (...)
En début d’année, ma volonté était que l’État prenne le relais, qu’il était de son devoir de protéger toute personne en danger. Puis les morts à la frontière franco-italienne se sont banalisées, la police et la justice sont devenues les bras armés d’une politique dérivante et discriminante. Le pas a été franchi, je ne pourrai plus rien attendre de cet État, mais je garde confiance en vous, acteurs de notre société. Que l’année 2018 soit l’année de convergence des luttes, pour que la France redevienne celle des droits des femmes et des hommes, pour que la politique redevienne au service du peuple. Ne nous décourageons pas, la lutte restera belle tant que nous aurons confiance en elle. »