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Ce que l’insuffisance de gratuité à l’école fait à la scolarité des élèves pauvres
Jean-Paul Delahaye Etude du Comité national d’action laïque (CNAL) : la gratuité à l’école Colloque du 25 juin 2019 Eléments pour un état des lieux
Article mis en ligne le 25 août 2021

Ce que l’insuffisance de gratuité à l’école fait à la scolarité des élèves pauvres

De qui parle-t-on quand on parle de la question de la gratuité à l’école ? On parle bien sûr de tous les citoyens, mais cette question concerne tout particulièrement les citoyens les plus pauvres quand le principe de gratuité n’est pas totalement mis en pratique.

1. Ce que l’insuffisance de gratuité à l’école fait à la scolarité des élèves pauvres

Quand la puissance publique ne remplit pas son obligation de gratuité, elle aggrave les problèmes des élèves pauvres. Et elle met l’école et ses personnels en difficulté. Il faut souligner les efforts des personnels pour réduire au maximum les effets de la pauvreté sur la scolarisation des enfants et des adolescents. Malgré cela, il ne fait pas toujours bon être un élève dont la famille est pauvre aujourd’hui. Prenons trois exemples à hauteur d’enfant ou d’adolescent de cette gratuité encore à conquérir parfois.

Comment participer à des sorties et des voyages scolaires organisés sur le temps scolaire mais payants ? (...)

Comment apprendre quand on mange mal ou quand on est sous-alimenté ? (...)

Comment payer la cotisation à la coopérative dont certains enseignants oublient de dire qu’elle n’est pas obligatoire, comment acheter la photo de classe ou acheter les fournitures scolaires, surtout quand les demandes des écoles ou établissements ne sont pas toujours raisonnables. (...)

2. Ce que l’école ne fait pas suffisamment pour assurer une gratuité effective de la scolarité

Budgétairement, l’école n’est pas bien traitée dans notre pays. Comme le montre l’Observatoire des inégalités, « la France est un pays qui dépense peu pour ses élèves, en comparaison des pays riches les mieux classés dans ce domaine. Surtout pour les plus petites classes et l’enseignement supérieur »[2]. Et si la dépense de notre pays pour l’éducation[3] augmente, sa part dans le PIB diminue. (...)

Prenons l’exemple des bourses de collège.

Tout d’abord, l’enquête du CNAL le confirme, toutes les familles en situation de pauvreté n’ont pas accès aux bourses pour leurs enfants. Et la numérisation non accompagnée des dossiers risque d’aggraver ce scandale que constitue le non recours à des droits. Mais le montant de la bourse est aussi en cause. (...)

Deuxième exemple : les fonds sociaux

Les fonds sociaux sont des crédits délégués aux établissements du second degré, justement pour permettre davantage d’égalité entre les élèves : favoriser l’accès à la restauration scolaire, acheter la tenue de sport, payer le complément pour le voyage scolaire, etc. Ces crédits ont été divisés par 2,3 de 2001 (73 M d’E) à 2012 (32 M d’E). Cette diminution a été catastrophique pour les élèves mais elle s’est opérée dans un silence assourdissant. Nous sommes un curieux pays. On peut diminuer l’argent destiné aux élèves pauvres pendant dix ans sans susciter le moindre mouvement de solidarité à leur égard, mais que l’on touche aux programmes de terminale S où sont scolarisés essentiellement les enfants des milieux favorisés, et les journaux télévisés de 20h sont affolés. (...)

Quand on regarde l’accompagnement éducatif dont bénéficient aujourd’hui les étudiants des classes préparatoires aux grandes écoles de ce pays où l’on rencontre assez peu d’enfants de pauvres, on constate que pour 85 000 étudiants, on dépense 70 millions d’€, soit 845 euros par étudiant, comparé à 18,80€ pour un élève de l’éducation prioritaire, soit 45 fois plus !

Pour qui est-elle gratuite notre école ? Elle est gratuite ici pour les classes favorisées (...)

Tout se passe comme si les sacrifices consentis par les plus modestes avaient permis de préserver les privilèges des favorisés. Existerait-il une solidarité inversée dans notre école, une sorte de ruissellement à l’envers ? Ce qui m’amène à souvent poser cette question : les assistés ne seraient-ils pas toujours ceux auxquels on pense habituellement ?