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Ce petit coin de paradis où le Front National cartonne...
vendredi 20 mars - par Marcus Aurelius
Article mis en ligne le 20 mars 2015

Ce petit coin de paradis où le Front National cartonne...

En attendant le triomphe programmé du FN aux élections cantonales de dimanche prochain, je vous livre quelques impressions sur un bastion de "patriotes assumés" (c’est du second degré !) où j’ai vécu durant trois ans, obligations professionnelles obligent.

Ce petit coin de paradis, c’est le département de l’Aisne, au nord-est de Paris. Laon, son chef-lieu, est à 1h30 de train de Panam. Au sud, Château-Thierry, n’est qu’à 90 kms de la capitale. C’est là que j’ai vécu trois longues années de déprime.

(...) Connaissez-vous le charmante bourgade de Neuilly Saint-Front ? Ses paysages dignes d’un film d’anticipation de Jess Franco... sa petite église, son petit bar où je buvais parfois un café avant de rentrer chez moi (mais qui a fermé lui-aussi). Ses rideaux de fer baissés depuis des années le long des rues. Une seule boulangerie, un coiffeur et une supérette. Pas de vedettes connues résidant l’endroit (à part Esteban Morillo, le skinhead tueur de Clément Méric). Marine Le Pen à 33% lors de la présidentielle de 2012, dans un coin où il n’y a pourtant pas de diversité ethnique ni donc de tensions communautaires (c’est peut-être le point le plus intéressant de mon article ?)...

L’Aisne c’était des no man’s land à perte de vue. La petite plage désaffectée sur le lac de Fère-en-Tardenois (le camping est lui-aussi fermé depuis des lustres), ses rodéos de motos débridées autour, la fête annuelle de la cueillette des pommes et toujours les visages fermés de passants dignes de figurants d’un film de Georges Romero (j’en ai visionné des DVD durant mon séjour axonnais !). Au fait, il n’y a pas de cinéma par là-bas, sauf à Château-Thierry et ses séances de films "grand public" en version française... une fois j’ai eu droit à une projection d’Agora, le peplum un peu cérébral, où je fus... le seul spectateur dans la salle (!) Tout était ainsi par là-bas. Les performances des clubs sportifs, paradoxalement, ne gommaient pas l’absence de vie culturelle. Le meilleur club de foot de l’Aisne jouait, il me semble, en cinquième division !

On comprend donc, dans ces conditions, que les discours simplistes et directs trouvent de nombreux auditeurs dans ce département sinistré, au taux de chômage record. Des gens qui ne voteront pas FN par conviction idéologique ou suite à une réflexion sur l’utilité du souverainisme, sur le rôle de la nation ou autre concept qui les dépassent. Ils vont voter pour gueuler. Point barre. Ce qu’ils savent le mieux faire dans leur quotidien grisâtre... (...)

Je revis depuis que j’ai quitté cette épouvantable région sous-développée. Là où je réside, les gens se parlent, il y a des associations, des cinémas, des théatres, des universités. Mais aussi des délinquants, des chômeurs et des problèmes comme partout. Sauf que l’ouverture d’esprit de mes voisins, qui voyagent à l’étranger comme moi assez souvent, permet des échanges d’opinions argumentées, des vues raisonnables. C’est le drame de la démocratie parlementaire, les charlatans trouvent une audience par les failles du système. Un système élaboré par des affairistes, des banquiers et autres financiers qui, eux, ne résident pas dans l’Aisne : vous l’aurez compris !