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Caravanes, yourtes, camions habités... Un projet de loi veut les chasser
Article mis en ligne le 7 novembre 2019

L’article 14 de la loi Engagement et proximité est un « outil d’exclusion massive » selon les auteurs de cette tribune, qui demandent aux députés de retirer cette mesure « anti-pauvres ». Elle permettrait aux maires de faire payer une astreinte de 500 euros par jour aux occupants de caravane, yourte, camion aménagé...

Il permet au maire de prononcer une astreinte, au plus égale à 500 euros par jour, à l’encontre de toute personne installée pour vivre ou survivre sur un terrain privé, dans un abri ou un habitat non reconnu par les règles d’urbanisme municipales, tel qu’une yourte, tente, maison de paille, cabane, caravane, véhicule habité, mobil-home...

Pourtant, il dispose déjà d’un arsenal législatif conséquent pour sanctionner les infractions aux règles locales d’urbanisme : il peut constater l’infraction et saisir le juge qui examine le bien-fondé de la demande et entend la défense selon le principe fondamental du contradictoire. Avec l’article 14, il pourra, sans passer par le juge, prononcer une sanction en violation du droit à la défense. Le voilà juge et partie, puisqu’il est aussi l’auteur des règles d’urbanisme. Ce nouveau pouvoir lui permet d’évincer encore plus rapidement les habitants qu’il juge indésirables. Et même s’il ne veut pas devenir shérif, ses électeurs adeptes de l’entre-soi pourraient l’y contraindre.
Une mesure anti-pauvres, anti-Voyageurs et anti-habitats légers (...)

Nombreux sont aussi ceux pour qui l’habitat léger est une réponse à la crise environnementale, une issue à la crise du logement et aux délitements des politiques d’inclusion.

Pourtant le maire peut décider, ou non, de créer des zones d’implantation d’habitats légers et réversibles, un accueil pour les Voyageurs ou les saisonniers, ou des terrains familiaux. L’État, quant à lui, qui doit imposer ou accompagner ces dispositions, fait preuve d’inaction coupable. (...)

Le plafonnement de l’astreinte à 25.000 euros est, aussi, lourd de sens. Elle condamne l’occupant, en sus de la saisie des quelques biens qu’il détient – véhicule, terrain …– à vivre dans la pauvreté et le dénuement. En effet, le fisc veille au « retour à meilleure fortune », c’est-à-dire que l’occupant devra payer cette astreinte dès qu’il gagnera un peu plus que le RSA. En revanche, cette astreinte représente peu pour le propriétaire d’une villa de luxe qui s’exonère des règles d’urbanisme pour construire ce qui lui plait...

Cet article 14, sous couvert de sanctionner plus efficacement le non-respect des règles locales d’urbanisme, a tous les caractères d’une mesure anti-pauvres, anti-Voyageurs et anti-habitats légers. Ses conséquences — notamment jeter le plus grand nombre sur les trottoirs — sont d’une grande brutalité.

Il faut des lois et des politiques d’inclusion plutôt que d’exclusion (...)

L’article 90 du projet de loi Loppsi 2 avait déjà prévu d’expulser sans le juge et sur décision du préfet les occupants d’habitations non conformes. Mais le 11 mars 2011, le Conseil constitutionnel l’avait abrogé, jugeant qu’il était « sans considération de la situation personnelle ou familiale, de personnes défavorisées et ne disposant pas d’un logement décent » et « opérait une conciliation manifestement déséquilibrée entre la nécessité de sauvegarder l’ordre public et les autres droits et libertés ».

C’est pourquoi nous demandons d’ores et déjà au gouvernement et aux députés de retirer purement et simplement l’article 14 du projet de loi Engagement et proximité et de produire des lois et des politiques d’inclusion plutôt que d’exclusion !