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CHRONIQUES SCOLAIRES – Les élèves, des travailleurs comme les autres ?
Article mis en ligne le 13 décembre 2016
dernière modification le 9 décembre 2016

L’école doit-elle d’abord former des travailleurs ? Et les élèves sont-ils, déjà, des travailleurs ? La question des liens entre l’école et le travail est un objet de controverse depuis le XIXe siècle. Il interroge les finalités même de l’école, à tous les niveaux.

On considère souvent l’Emile de Rousseau comme l’expression de l’invention sociale d’un nouvel âge de la vie : l’enfance. D’après cette catégorie qui émerge à l’époque moderne, l’enfant ne serait plus un adulte en miniature, mais une personne à part entière, avec des besoins qui lui sont propres et qui doivent être respectés.

Cette considération est présente dans la lutte menée au XIXe siècle contre le travail des enfants, relayée par des écrivains comme Dickens dans Oliver Twist ou David Copperfield. Au XXe siècle, elle est reprise par la psychologie développementale, qui considère que l’enfant se construit progressivement en traversant des stades affectifs et cognitifs avant d’arriver à la maturité de l’âge adulte. Puis en 1989, la Convention internationale des droits de l’enfant reconnaît à cet être passablement nouveau un droit à l’éducation, assorti à celui « d’être protégé contre l’exploitation économique et de n’être astreint à aucun travail comportant des risques ou susceptible de compromettre son éducation ou de nuire à sa santé ou à son développement physique, mental, spirituel, moral ou social ».

Régulier et comme sûr de lui, cet avènement de l’enfance ne va pourtant pas sans susciter des critiques. En 1970, la militante féministe canadienne Shulamith Fierstone, dans un chapitre de son ouvrage de La dialectique du sexe, considère l’invention de l’enfance comme un moyen de maintenir les jeunes humains dans une situation de mineurs dominés par les adultes, semblable en cela à la condition qu’ont connu les femmes, et revenant à ne pas leur reconnaître une réelle autonomie.

L’élève, un prolétaire en devenir...

Dès le XIXe siècle, la question de l’enfance dans son rapport à l’école et au monde du travail est également l’objet d’une réflexion – et d’une critique – de la part du mouvement ouvrier et syndical. (...)

A rebours de ces évolutions aliénantes du travail ouvrier et du travail scolaire, l’oeuvre de Céléstin Freinet propose une désaliénation du travail scolaire. Avec l’imprimerie à l’école, l’enfant devient l’égal de l’aristocratie ouvrière incarnée par les ouvriers typographes. Avec le conseil coopératif, il se trouve en position de gérer un projet et une activité économique à l’instar des ouvriers autogérant une usine. La pédagogie Freinet valorise la figure d’un ouvrier maître de lui-même et coopérant avec ses pairs dans une activité productive désaliénée. La pédagogie préfigure dans la classe l’utopie d’une société communiste libertaire.

Former des travailleurs à l’âge du nouvel esprit du capitalisme

Mais le monde de l’entreprise possède également ses aspirations et ses conceptions en matière de formation, et c’est résolument vers l’emploi qu’elles se tournent, comme l’exposait encore dernièrement une note de l’Institut de l’entreprise (2014). (...)

A la suite de Paulo Freire, les pédagogues critiques considèrent dans l’ensemble que la pédagogie ne doit pas se donner uniquement pour ambition de transformer la salle de classe ; car au-delà de ses murs, c’est dans toute la société que se déploient les choix éducatifs. Il s’agit alors de faire advenir une pédagogie en mesure de favoriser, chez les groupes socialement dominés, une conscience sociale qui les incite à agir et à lutter contre les inégalités sociales.