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le Monde
« C’est totalement explosif » : l’Aide sociale à l’enfance dans la tourmente de l’épidémie due au coronavirus
Article mis en ligne le 21 mars 2020

Les foyers pour mineurs accusent le coup de la crise sanitaire. Au nom des 60 000 enfants qui leur sont confiés, les professionnels du secteur refusent qu’on les oublie. C’est l’un des services essentiels de la République les plus durement touchés par les conséquences de l’épidémie de Covid-19.

L’Aide sociale à l’enfance, avec ses pouponnières, ses foyers gérés par des associations, ses familles d’accueil, ses éducateurs et assistantes sociales se déplaçant chez les familles, voit son travail quotidien lourdement entravé par les mesures de confinement en vigueur depuis mardi 17 mars.

L’épidémie de Covid-19 a d’ores et déjà entraîné l’aménagement à distance des services de visite à domicile. Elle menace également le cœur du système : confinés, les foyers accusent le coup.

Depuis la fermeture des écoles, lundi, des milliers d’enfants qui passent habituellement leur journée en classe se retrouvent enfermés jour et nuit dans des bâtiments plus ou moins spacieux, avec ou sans espace extérieur où se défouler.

« Hier, j’ai eu une bagarre au couteau »

(...) dans le 6e arrondissement de Paris : « Déjà que le climat actuel est dur, pour des adolescents avec un trouble psychique, c’est la bérézina. Hier, j’ai eu une bagarre au couteau avec un blessé. » Si le confinement se poursuit dans ces conditions, il redoute un drame : « Ce dont j’ai peur, c’est la tentative de suicide, la bagarre qui tourne mal… »

Rue Monsieur-le-Prince, l’anxiété des pensionnaires adolescents se conjugue à l’absence de certains éducateurs, confinés chez eux par précaution médicale, parce qu’ils sont eux-mêmes malades ou doivent garder leurs enfants. (...)

Ainsi sur les quarante-deux éducateurs des deux foyers parisiens de l’association, seuls vingt-neuf sont présents. A Poitiers, Claude Fasula, directrice de l’Institut départemental pour la protection de l’enfance et l’accompagnement des familles de la Vienne, recense un taux d’absentéisme inédit, de 17 %, chez les éducateurs.(...)

« Vu la vitesse de propagation du virus, comment allons-nous faire si dans une semaine plus de la moitié de nos personnels sont hors service ? », s’interroge-t-il. (...)

Une difficile continuité scolaire

Pour limiter ces absences, les acteurs du secteur réclament l’inclusion de leurs éducateurs dans le dispositif de garde d’enfant dans les écoles prévu pour les personnels médicaux. Sollicité par Le Monde, le secrétaire d’Etat chargé de la protection de l’enfance, Adrien Taquet, dit multiplier les entretiens avec les représentants des foyers, intervenants à domicile et familles d’accueil

Le ministère des solidarités et de la santé étudie par ailleurs la possibilité de faire entrer des bénévoles en renfort dans les foyers, notamment des éducateurs sportifs et des professeurs d’éducation physique et sportive, sur une base volontaire. (..)

Au-delà de l’encadrement, la gestion de ces espaces collectifs, où deux enfants peuvent partager une chambre de 15 m2, est problématique. (...)

« Les consignes sanitaires sont difficiles à appliquer, la difficulté est réelle en l’absence de matériel : ici et là on peut manquer de gel hydroalcoolique, et partout de masques », explique André Altmeyer pour les Apprentis d’Auteuil. (...)

Garantir le suivi scolaire en foyer reste cependant difficile au vu des effectifs et d’un manque structurel d’ordinateurs pour consulter les cours en ligne, même si des réseaux informels d’instituteurs prêtent main-forte en fournissant conseils et contenus scolaires. (...)

Au secrétariat d’Etat chargé de la protection de l’enfance, une revue est en cours pour trouver des ordinateurs pour les foyers. Dans tous les cas, « il faut s’assurer que tous les surcoûts qui pourront être générés par cette crise ne soient pas supportés par les associations », assure Adrien Taquet. (...)

Adrien Taquet évoque (...) la ligne rouge de la protection des enfants victimes de violences dans leur famille en ces temps de crise : « S’il y a des situations qui se dégradent, il faut qu’on puisse activer les mesures d’urgence et que ces enfants soient retirés rapidement » pour être placés.
Mais pour Lyes Louffok, ancien enfant placé désormais éducateur et figure de la défense de ces enfants en difficulté, c’est une évidence : « Les enfants maltraités, nous ne pourrons rien pour eux avant la fin du confinement. » Le jeune homme, qui a lancé cette semaine une plate-forme pour centraliser les témoignages de travailleurs du secteur, dresse ce constat avec d’autant plus d’amertume qu’il estime que les appels au 119 (Allô enfance en danger) vont « flamber ». (...)