A l’Assemblée nationale, en commission des lois, la majorité LREM a refusé, ce vendredi 20 mars, plusieurs amendements tendant à établir une date limite de validité pour ces ordonnances qui pourront revenir sur des acquis sociaux. Le débat de fond a été envoyé à la séance, ce samedi. L’examen du texte, qui a pris du retard, devrait déboucher sur une adoption définitive samedi ou dimanche.
A la guerre comme à la guerre, répète le gouvernement. D’où l’idée d’introduire dans la loi "urgence coronavirus", qui doit être votée définitivement d’ici à dimanche 22 mars, une réforme importante du droit de travail. Et surprise, le texte adopté par le Sénat ce jeudi dans la nuit ne prévoit aucun caractère "provisoire" ou "exceptionnel" pour la nouvelle loi. En clair, les mesures prises prendront un caractère définitif. Plusieurs acquis sociaux pourraient être rognés, comme le droit aux congés payés ou la durée hebdomadaire de travail. Le tout sous la pression du patronat. (...)
Il s’agit de "modifier les conditions d’acquisition de congés payés et permettre à tout employeur d’imposer ou de modifier unilatéralement les dates de prise d’une partie des congés payés dans la limite de six jours ouvrables, des jours de réduction du temps de travail". A priori, il sera possible de revoir à la baisse le nombre de congés payés acquis par mois, aujourd’hui de 2,5.
"Supprimer le délai de prévenance"
Devant le Sénat, ce jeudi 19 mars, le gouvernement a expliqué qu’il s’agissait surtout, dans son esprit, de permettre aux entreprises d’imposer aux salariés la prise de congés payés pendant le confinement, dans la limite de six jours. (...)
Mais quid d’une limitation de ces congés payés, pour toutes les entreprises ? La ministre du Travail et Edouard Philippe ont éludé.
La question est d’autant plus prégnante que dans le Figaro, un "haut représentant patronal" propose... de ramener les congés payés à deux ou trois semaines, du moins cette année (...)
le ministre Bruno Le Maire n’a pas confirmé, sans pour autant écarter clairement cette hypothèse : "Arrêtons de parler d’efforts et parlons déjà plutôt de solidarité".
Fin des 35 heures dans certains secteurs.
Devant les sénateurs, Muriel Pénicaud a également abordé le sujet de la durée hebdomadaire du travail : "Sur la durée du travail, il faut aider les 99 secteurs qui en ont besoin". La future loi prévoit en effet... de permettre à un certain nombre d’entreprises de déroger aux 35 heures. (...)
Quels seront ces secteurs dans lesquels les 35 heures pourront bientôt disparaître ? La ministre a donné de très faibles précisions : "Il peut s’agir de l’alimentation, de la production de matériel médical par exemple". Pour le reste, un "décret" listera les métiers concernés. On constate par ailleurs que la remise en cause des droits aux congés payés concerne, elle, toutes les entreprises du pays.
Dans le Figaro, un représentant du ministère du Travail confirme que les salariés seront sollicités pour permettre à l’activité économique du pays de repartir (...)
jusqu’à quand ? Un élément en particulier interroge : entre l’avant-projet de réforme, diffusé officieusement auprès de certains médias en début de semaine, et que Marianne avait pu consulter, et le projet de loi qui entrera bientôt en vigueur, ces mesures graves ont perdu leur caractère "provisoire". Cela signifie concrètement que la nouvelle loi s’appliquera... jusqu’à nouvel ordre, et non pas jusqu’à une date limite. (...)
Les sénateurs socialistes ont bien tenté d’amender ce dispositif. Ils ont proposé que les ordonnances permettant notamment ces remises en cause d’acquis sociaux cessent d’être valides au 1er avril 2021 (...)
Si le gouvernement a expliqué oralement qu’aucune des dispositions de l’article 7 "n’a vocation à être pérenne", ce sera donc bien le cas, jusqu’au vote éventuel d’une nouvelle loi. D’ailleurs, Emmanuel Macron a fait savoir, dans son allocution de ce lundi, que la crise allait imposer un grand virage politique : "Beaucoup de certitudes, de convictions seront balayées (..) Je saurai aussi avec vous en tirer toutes conséquences, toutes les conséquences". Formule énigmatique qui laisse ouverts plusieurs scénarios. (...)
En même temps, le rapporteur a écarté toutes les propositions d’instituer une fiscalité plus redistributive. Comme un symbole de la ligne ambiguë qui sert de guide aux macronistes depuis le début de la crise.