
Plus d’un millier de Briançonnais se sont mobilisés pour parer aux urgences des migrants qui arrivaient à leurs portes dans les pires conditions. Une chaîne exceptionnelle portée par la fraternité. Rencontre avec ceux qui donnent sens à la dignité.
L’image a fait la une de tous les médias. À l’appel des professionnels de la montagne, plus de 350 personnes ont formé, le 17 décembre 2017, une cordée solidaire lézardant sur les pentes abruptes du versant français du col de l’Échelle (Hautes-Alpes). Partis du village de Névache, à 20 kilomètres de Briançon, ils sont venus crier leur refus que les Alpes deviennent « le cimetière des personnes en détresse ». Un tombeau pour migrants, en provenance pour l’essentiel d’Afrique de l’Ouest, en majorité mineurs, qui, depuis la fermeture drastique de la vallée de la Roya et de Vintimille, empruntent cet itinéraire excessivement dangereux. Le col de l’Échelle (1 762 m), fermé à la circulation en hiver ; une trouée entre l’Italie et la France particulièrement exposée pour ceux qui ne connaissent rien aux dangers de la montagne. Un danger accru par la présence de forces de gendarmerie qui, selon Stéphanie Besson, accompagnatrice en montagne et l’une des coordinatrices du mouvement Tous migrants, « ne les empêche pas de passer, mais, au contraire, leur fait emprunter d’autres chemins plus risqués pour échapper à la police, frôlant ainsi la mort ». (...)
Depuis janvier 2017, plus de 2 000 exilés ont franchi ce col devenu symbole de la souffrance migratoire et de l’engagement citoyen du Briançonnais. (...)
Des maraudeurs, professionnels de la montagne, sillonnent la nuit, à pied ou chaussés de leurs skis de randonnée, les sentes et les combes. Ils arrachent à la mort des hommes gelés, des âmes brisées. Contactent les secours (PGHM) quand il faut les hélitreuiller vers l’hôpital, les réchauffent, les nourrissent, les logent au nom du devoir d’assistance à personne en danger, faisant fi d’éventuelles poursuites judiciaires. Les réfugiés sont de plus en plus nombreux, les citoyens mobilisés aussi. (...)
Les canapés se déplient, les chambres d’amis s’ouvrent. Personne ne se cache de sauver des gens perdus en montagne. Le mouvement solidaire est naturel, il prend de l’ampleur autour de Tous migrants, qui poursuit son plaidoyer et organise le parrainage républicain de 48 demandeurs d’asile. Sur le marché, des tracts circulent, les langues se délient, « le berger en a 5 dans sa bergerie », Briançon bruisse de plus en plus fort. Les migrants sont dans toutes les conversations. Tout le monde connaît quelqu’un qui... (...)
Particuliers, commerçants, institutionnels, touristes apportent leur contribution aux 80 bénévoles. Des repas préparés, des vêtements, du matériel médical, beaucoup de temps et d’écoute. Le Refuge déborde certains soirs de l’été. Jusqu’à 70 personnes à loger... Un nouveau collectif se crée pour proposer une alternative : Chez Marcel. « Un squat » sur les hauteurs de Briançon. Une solution de plus en attendant que l’État prenne la mesure du phénomène et assume ses responsabilités, aujourd’hui portées avec dignité et audace par les citoyens de ce territoire des Alpes du Sud. (...)
« Les migrants passeront, qu’on le veuille ou non »
Gérard Fromm, maire PS de Briançon, refuse la politique gouvernementale. La population a raison, dit-il, de ne pas avoir peur : 2 000 migrants sont arrivés sans aucun incident.
HD. Vos voeux 2018 plaçaient cette année sous le signe fort de la solidarité, pourquoi ?
GÉRARD FROMM. À Briançon, nous nous occupons de toutes les populations en difficulté, d’où qu’elles viennent. 13 % vivent ici en dessous du seuil de pauvreté. Je suis déterminé à renforcer le lien entre les forts et les faibles, mais aussi à faciliter l’action des associations citoyennes, qui se sont mobilisées de façon incroyable dans la crise des migrants.
« Je suis fier de la générosité de cette ville frontalière, qui n’oublie pas son histoire, ni ses valeurs montagnardes. » (...)