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Rue89 Bordeaux
Bordeaux : Crise des expulsions : des élus cherchent une porte de sortie sans la Préfecture
Article mis en ligne le 25 juillet 2019

Branle-bas de combat chez les élus des collectivités. Après avoir essuyé « une fin de non-recevoir » par la Préfète, la Ville, le Département et la Région tentent de trouver « une solution commune » pour répondre aux expulsions incessantes. Malgré les bonnes volontés, cette solution peine à se préciser face à l’urgence d’une situation… que les associations continuent à supporter seules et à flux tendu.

La conseillère régionale Génération.s rapporte n’avoir eu qu’ « une fin de non-recevoir à toutes les propositions ». Devant les associations qui se sont réunies en assemblée générale à l’Athénée libertaire ce mardi soir, elle a « pris l’engagement de faciliter un tour de table avec la Ville, le Département et la Région et qu’on essaye, chacun avec son champ de compétence, de dégager une solution commune ».
Solution commune ?

Laquelle ? On n’en sait pour l’instant pas grand chose. L’urgence de la solution ne s’accorde pas vraiment avec l’urgence de la situation. (...)

« Elle ne veut rien savoir… » Voilà ce qu’on peut entendre de la bouche des élus de tous bords. Depuis hier (au moins !), la préfète de la Gironde, Fabienne Buccio, doit avoir les oreilles qui sifflent. Sa réunion ce mardi avec des représentants de toutes les collectivités n’a rien changé à rien.

La preuve ? Un nouveau squat vient d’être évacué ce mercredi matin rue Kleber, et un autre la veille rue Lafaurie-Monbadon, « immeuble occupé de manière illégale par 4 personnes se déclarant mineurs de nationalité algérienne ou marocaine » précise le communiqué de la préfecture.

« Rien à faire, elle a dit non à toute solution proposée et cela en pleine période caniculaire. C’est humainement inacceptable », se désole Naïma Charaï. (...)

La conseillère départementale, invitée au tour de table inter-collectivités, demande en premier lieu « un état précis de la situation ». Elle propose de « mandater le Samu social ou Médecins du monde pour savoir qui sont ces personnes expulsées ». Selon, les élus pourraient « les prendre en charge et discuter d’un lieu pour une mise à l’abri transitoire ».

« Il faut surtout pouvoir discuter sans être sous la coupe de la préfecture qui remet en question cette crise puisque, selon la préfète, cette crise n’existe pas ; c’est-à-dire qu’il n’y a personne à la rue. » (...)

En attendant, la secrétaire de la CGT Gironde dit faire ce qui lui est possible. A la bourse du travail où son syndicat réside, elle a ouvert les portes à 80 personnes qui y dorment tous les soirs.

« Des bénévoles se relayent pour fermer la porte la nuit et l’ouvrir le matin, explique Françoise, une cégétiste à la retraite venue prêter main forte depuis l’arrivée des nouveaux hôtes. On aide comme on peut. Aujourd’hui j’ai fait trois lessives chez moi pour les expulsés. »

Dans le hall de la bourse ce mercredi après-midi, des réfugiés font leurs lits avec des draps propres et des enfants font de la trottinette ou du tricycle. Deux familles sont accueillies dans des pièces à l’étage. Ici, il est interdit de manger à part des gâteaux et de boire autre chose que de l’eau fraîche.

« Les syndicats ont mis à disposition leurs frigos » précise Corinne Versigny. Son secrétaire national, Philippe Martinez, est averti et « il a interpellé Christophe Castaner (ministre de l’intérieur, NDLR) ». Sauf que « la préfète l’a appelé pour lui raconter toujours la même chose, à savoir continuer à évacuer les squats ». (...)

Désobéissance

« Ce qu’on demande est que les maires fassent acte de désobéissance devant ce drame humain, déclare Corinne Versigny. Quand on est élu de la République et qu’on a des ordres qui mettent des personnes en danger de vie, il faut faire acte de désobéissance. »

Sans aller jusqu’au là, Jean-Louis David, adjoint chargé de la vie urbaine et de la proximité, dit vouloir évoquer la question avec Nicolas Florian, maire de Bordeaux. Le conseiller de la majorité municipale s’est rendu ce mercredi après-midi à l’Athénée libertaire, centre d’accueil improvisé pour les expulsés des squats.

« J’aime bien parler des choses quand je les connais, je n’avais pas vu tout ça, dit l’adjoint entouré de nombreux expulsés. Quand on est dans un bureau à la mairie et qu’on vous dit des choses, on les perçoit de façon différente que si on se rendait sur place. » (...)

La secrétaire CGT fait allusion à la mise à disposition d’un gymnase rive droite, proposé puis retiré « pour des raisons de sécurité ».

« La préfète aurait empêché sa mise à disposition, avance-t-elle. Dans un premier temps, on nous a dit qu’il y avait des problèmes techniques, puis que le bâtiment ne supporte pas la chaleur caniculaire. On nous a dit qu’il y aura d’autres solutions. Il n’y a toujours rien ! On a finalement appris qu’il y a eu des pressions importantes de la préfète sur la mairie… La maire peut au moins fournir des repas au lieu de laisser ça à la charge des associations. » (...)

à l’Athénée libertaire « les capacités d’accueil sont complètement saturés pour les repas et l’accueil, s’inquiète Aude Saldana-Cazenave. Il y a assez d’eau, la solidarité fonctionne pas mal, mais à flux tendu ».

Place Saint-Michel, 30 personnes dorment sous la flèche. Lors de notre visite, les conditions sanitaires n’étaient pas optimales. Des caddies de provisions étaient exposés au soleil et aucune mise au frais n’était possible.

Malgré les propositions d’accueil par temps de canicule, personne ne semble avoir été dans le hall proposé par le Conseil départemental pour « se mettre à l’abri dans un lieu climatisé » et profiter de la distribution de bouteilles d’eau.

« Qu’est ce qu’ils vont faire là-bas les gens, se demande Aude Saldana-Cazenave. […] Ça veut dire quoi de mettre des familles et des bébés au frais et de les remettre en fin de journée dehors ? Il faut des solutions pérennes et adéquates. »

« Notre lieu est à proximité de la préfecture et peut-être que ça n’encourage pas les personnes à venir » justifie Emmanuelle Ajon. (...)

D’autres initiatives, venant d’associations, ont eu un écho sensiblement meilleur. L’atelier Remuménage qui proposait en plus de ses bureaux, « des boissons fraiches et des gâteaux », a eu la visite de quatre personnes jusqu’à ce mercredi.

Cependant, à Bordeaux et sa métropole, que Matthieu Rouveyre qualifie de « terres de résistance et d’accueil », l’élu PS au département rappelle « qu’il y a 22473 logements vacants » et que la préfète possède « le pouvoir de réquisition ». Les oreilles de la représentante de l’État n’ont pas fini de siffler.