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“Bernie Sanders propose qu’au-delà d’un milliard tous les revenus soient captés par l’impôt”
En quatre décennies, les inégalités sont devenues vertigineuses…
Article mis en ligne le 5 février 2020
dernière modification le 4 février 2020

Alors que s’ouvrent ce lundi 3 février, aux États-Unis, les primaires du Parti démocrate, nous avons rencontré l’économiste français Gabriel Zucman, auteur du “Triomphe de l’injustice. Richesse, évasion fiscale et démocratie”. Conseiller de la candidate démocrate Elizabeth Warren et de Bernie Sanders, il prône, avec eux, une taxation radicale des plus riches. Pour mettre fin à un hold-up qui fragilise la démocratie américaine.

La richesse, c’est le pouvoir ; l’extrême concentration des richesses, c’est l’extrême concentration des pouvoirs. La capacité d’influencer les politiques publiques, d’étouffer la concurrence, de façonner les idéologies. » Depuis quarante ans, explique le jeune économiste français Gabriel Zucman (33 ans), professeur à l’Université de Berkeley aux États-Unis, une
infime partie de la population américaine dévore sans vergogne une part croissante de la richesse nationale, transformant peu à peu le pays en oligarchie : 0,1 % des Américains possèdent à eux seuls la même portion du patrimoine national que… 90 % du reste de la population. Comment ce scandale est-il possible ? Surtout aux États-Unis qui, rappelle Zucman dans Le Triomphe de l’injustice, coécrit avec son collègue Emmanuel Saez, ont été pendant longtemps le pays le plus exigeant du monde en matière de fiscalité progressive (les riches y payaient proportionnellement plus que les pauvres) ? Il y a quelques mois, les deux « Frenchies » ont tapé dans l’œil d’Elizabeth Warren et de Bernie Sanders, les candidats les plus à gauche de la primaire démocrate. L’un et l’autre se sont appuyés sur leurs travaux pour inscrire dans leurs programmes une plateforme fiscale radicale – dans laquelle le fameux « 1 % » des plus fortunés se verrait lourdement taxé, comme il l’a été jusque dans les années 1970. « L’impôt, c’est le vol », disait Ronald Reagan il y a quarante ans. Ne pas payer les impôts que l’on doit, montre Zucman, est un hold-up bien plus grave, qui affecte directement la santé, la sécurité et l’éducation des plus pauvres. Et fragilise la démocratie.

Comment expliquez-vous que, dans sa majorité, l’électorat populaire américain, victime directe de l’évasion fiscale des plus riches, ait voté pour Donald Trump, qui se flattait de ne pas payer d’impôts ?
L’abstention est importante chez les Américains les plus pauvres, et la partie de l’électorat populaire qui s’est détournée de Barack Obama pour voter Trump ne l’a pas fait par adhésion à ses propositions fiscales. D’ailleurs, les sondages montrent qu’une majorité d’Américains, y compris chez les Républicains, est favorable à l’augmentation de la taxation des plus riches et des multinationales. Mais le Parti démocrate a longtemps été incapable d’offrir une plateforme progressiste qui réponde au défi inégalitaire. (...)

Comment Elizabeth Warren et Bernie Sanders espèrent-ils convaincre les classes populaires que l’impôt est le nerf de la guerre ?
Citer les chiffres ne sera pas suffisant. Il faut répondre concrètement au défi inégalitaire. Et bien comprendre que l’objectif final d’un impôt fortement progressif n’est pas de remplir les caisses de l’État mais de réduire les inégalités en diminuant le nombre de milliardaires. Ce principe essentiel fut explicité par Roosevelt dans un discours devant le Congrès en 1942 (...)

oncentration des richesses signifie concentration des pouvoirs, et capacité d’influencer les politiques publiques et les marchés, de créer des monopoles, d’acheter des journaux, bref, d’imposer une idéologie. Avec les risques de violence afférents : révoltes fiscales de type Gilets jaunes, basculement vers le protectionnisme ou succès populistes lors des élections. (...)