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Mediapart
Au tribunal, Alexandre Benalla jongle avec ses passeports
Article mis en ligne le 18 septembre 2021
dernière modification le 17 septembre 2021

L’ancien collaborateur d’Emmanuel Macron a contourné les règles pour se faire établir un passeport de service, et il utilisait deux passeports diplomatiques après son départ de l’Élysée. En toute bonne foi, jure-t-il.

Je n’avais pas d’intention frauduleuse. » « J’ai fait les choses dans les règles. » Ou encore : « C’est mon mode de fonctionnement, je suis bordélique mais je m’y retrouve. » Toujours aussi sûr de lui, Alexandre Benalla fait feu de tous bois, ce jeudi soir devant le tribunal correctionnel de Paris. Au quatrième jour de son procès, l’ancien collaborateur d’Emmanuel Macron veut à tout prix convaincre qu’il n’a pas établi de « faux » pour se faire remettre un passeport de service, cela peu après l’épisode des violences qu’il a commises le 1er mai 2018. C’est pourtant l’une des douze infractions dont il doit répondre lors de ce procès. (...)

Pendant de longues heures d’audience, l’ancien « adjoint au chef de cabinet de la présidence de la République » déroule une argumentation qui se veut très technique, sur le ton de la bonne foi. S’il a cherché à se faire établir par le ministère de l’intérieur un passeport de service, celui que certains agents de l’État (policiers et magistrats notamment) peuvent utiliser en mission, c’est uniquement pour pouvoir faire son travail, et pour des raisons de sécurité, explique-t-il. « Ça me servait pour des démarches administratives, ou pour prendre un billet de train ou louer une voiture si je devais préparer un déplacement du chef de l’État. Il n’y a pas d’adresse personnelle sur le passeport de service », déclare Alexandre Benalla.

Le hic, c’est qu’il a fait sa demande juste après sa suspension de quinze jours faisant suite aux incidents du 1er Mai, et surtout en contournant sa hiérarchie directe. Il a même établi une demande à en-tête du chef de cabinet de l’Élysée, François-Xavier Lauch (devenu entre-temps directeur de cabinet adjoint de Gérald Darmanin au ministère de l’intérieur). Très colère, celui-ci assure à la barre que Benalla a utilisé son identité à son insu. (...)

« J’ai prévenu tout le monde, conteste Alexandre Benalla. J’ai d’abord demandé à l’adjoint de François-Xavier Lauch de signer le document, et comme il a préféré attendre son retour, je l’ai déposé dans la pile de parapheurs de François-Xavier. Je n’ai pas eu de retour. Pour moi, c’était validé, il y avait un accord tacite », assure Alexandre Benalla. Le préfet Lauch manque de s’étrangler, et dément catégoriquement. Son adjoint de l’époque, le préfet Rodrigue Furcy, estime qu’il s’agissait de le contourner. (...)

Alexandre Benalla doit notamment répondre de l’« usage sans droit » de deux passeports diplomatiques, délivrés en septembre 2017 et mai 2018 pour ses fonctions à l’Élysée, et qu’il a continué à utiliser après son licenciement (pour des séjours en Turquie, au Cameroun, au Tchad, au Maroc, aux Bahamas...) au lieu de les restituer. L’affaire avait été révélée par Mediapart fin 2018.

« C’était des déplacements privés », reconnaît Benalla. Il y avait aussi quelques voyages d’affaires. « J’ai voulu rebondir trop vite dans le domaine de la sécurité, je me suis brûlé les ailes », dit-il à la barre, sans trop s’étendre sur le sujet.

À ses explications, on croit deviner qu’Alexandre Benalla a d’abord aspiré à disposer d’autant de passeports que les policiers du GSPR, chargés de la sécurité rapprochée du président de la République. Il leur aurait demandé conseil pour cumuler passeport de service et passeports diplomatiques. On ne comprend pas trop pourquoi.

Lui assure qu’il fallait surtout « être prêt » en cas de déplacement inopiné du président Macron, « ne pas être un boulet ». Alexandre Benalla répète sur tous les tons qu’il était en charge des déplacements privés du chef de l’État, et qu’un « déplacement privé peut très vite se transformer en déplacement officiel », en France ou à l’étranger. « J’étais le responsable des déplacements privés, je ne rendais compte à personne », se rengorgeait-il mardi. (...)

Face au juge d’instruction, Alexandre Benalla s’était d’ailleurs énervé en ces termes : « Je n’ai qu’un supérieur hiérarchique, c’est le PR » [président de la République – ndlr]. « C’était un excès de langage de ma part », dit-il aujourd’hui au tribunal. Reste qu’il contredit obstinément les dépositions faites sur procès-verbal par le secrétaire général de l’Élysée, Alexis Kohler, le directeur de cabinet Patrick Strzoda, et le chef de cabinet François-Xavier Lauch au sujet du réajustement très restrictif de ses missions après ses quinze jours de suspension, en mai 2018. Peut-être parce qu’en plus du passeport de service, Alexandre Benalla s’est fait délivrer un second passeport diplomatique à cette période où il sentait le roussi, et était censé rester à l’intérieur de l’Élysée. (...)

Les débats reprendront mercredi.