
Plusieurs opérations menées par des éléments de la gendarmerie entre le 26 et le 28 novembre au Sénégal ont permis de démanteler un réseau de centres de "redressement" où étaient séquestrés des centaines de jeunes en perdition. Ces centres tenus par des disciples du chef religieux et homme politique Serigne Modou Kara affichent comme objectif de remettre les jeunes sur "le droit chemin". Mais selon un communiqué de la gendarmerie, ils y étaient maltraités et torturés.
L’affaire fait grand bruit au Sénégal. Depuis dimanche 30 novembre, plusieurs vidéos diffusées sur les réseaux sociaux montrent les conditions dégradantes dans lesquelles ont été gardés plusieurs jeunes dans des centres dits "de redressement" appartenant à Serigne Modou Kara, un chef religieux influent de la confrérie musulmane des Mourides, et aussi président du Parti de la vérité pour le développement.
Dans une des vidéos publiées sur la page du média en ligne Limametti, on voit une dizaine de jeunes enfermés dans des salles aux fenêtres grillagées, dans une sorte de maison désaffectée. On peut notamment entendre l’une des victimes dire : "C’est une prison privée" tandis qu’un autre s’écrie : "Nous avons vécu des moments atroces". (...)
Une autre vidéo montre d’autres jeunes dont la peau est boursouflée ou présentant des ecchymoses. Ces images témoignent des sévices corporels dont ils faisaient l’objet à l’intérieur de ces centres. (...)
Dans un communiqué publié dimanche, la gendarmerie a annoncé avoir libéré 353 individus âgés de 17 à 42 ans, qui étaient séquestrés dans trois différents centres de "redressement", situés dans la banlieue de Dakar et tenus par des proches du chef religieux. Ils y étaient "placés sous haute surveillance dans des conditions sanitaires déplorables, souffrant visiblement de maladie et de malnutrition sévère", note le communiqué.
Appelées "daaras", les écoles coraniques, où les enfants reçoivent un enseignement religieux, sont très répandues au Sénégal. Depuis plusieurs années, les chefs religieux sont régulièrement accusés de pousser les enfants à la mendicité pour leur seul profit.
Mais les centres de "redressement" de Serigne Modou Kara sont d’un nouveau genre, explique Sadikh Niass, secrétaire général du Réseau africain de défense des droits de l’Homme (RADDHO), une ONG basée à Dakar.
"C’est la première fois qu’on voit des centres où on torture des personnes" (...)
Quarante-trois personnes interpellées par la gendarmerie
Selon le communiqué de la gendarmerie, 43 personnes ont été interpellées dans l’entourage du chef religieux pour des faits d’association de malfaiteurs et de trafic d’êtres humains. Lundi 30 novembre, dans un communiqué relayé par l’AFP, le service de communication de Serigne Modou Kara, qui n’a d’ailleurs pas été inquiété, a rejeté ces accusations. "Les centres de redressement accueillent des victimes de la drogue, des jeunes repris de justice et des déficients mentaux".
En raison des "résultats satisfaisants" dans ces centres, le nombre de pensionnaires a augmenté et causé une "promiscuité du cadre de vie" due au "manque de moyens", a justifié le chef religieux. (...)