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Au Nigeria, "I Read", la première bibliothèque mobile du pays
Article mis en ligne le 2 février 2018

Funmi Ilori n’a jamais réalisé son rêve de fonder la plus grande bibliothèque d’Afrique. Mais finalement, quinze ans plus tard, elle a fait mieux : elle conduit des petites camionnettes remplies de livres dans les quartiers défavorisés de Lagos pour apprendre aux enfants le goût de la lecture. (...)

et après-midi, la camionnette d’I-read (qui signifie "Je lis") fait escale devant l’école primaire Bethel, dans le quartier populaire d’Ifako, en plein coeur de la tentaculaire ville de Lagos, capitale économique du Nigeria.

Dans la cour, toboggans et balançoires "tape-fesses" rouillent dans l’humidité ambiante. La directrice Ruth Aderibigbe reconnaît que les quelque 200 élèves de son école n’ont à leur disposition que les manuels scolaires. Car "les livres coûtent chers".

Alors, quand "I Read" a toqué à la grille de l’école il y a deux ans, elle a accueilli l’initiative avec joie. "Les enfants qui sont dans le programme ont fait de grands progrès de lecture et de dictée en anglais", confie la directrice.

Assis dans le camion, un petit garçon d’une dizaine d’années agrippe "L’autre moitié du soleil", célèbre roman de l’écrivaine nigériane Chimamanda Ngozi Adichie. Le livre est visiblement passé entre beaucoup de mains : sa tranche peine à retenir les pages. (...)

Cette grande figure de la littérature moderne africaine a lancé la controverse fin janvier en s’indignant d’une question posée par une journaliste française lors de son passage à Paris. "Y a-t-il des librairies au Nigeria ?", lui avait demandé, avec une certaine ironie, la modératrice du débat "La Nuit des Idées".

"Je pense que votre question donne une mauvaise image des Français", avait répondu Chimamanda Adichie du tac-au-tac, regrettant ensuite dans un post viral posté sur Facebook le "racisme" et les "préjugés affligeants" qui entourent la vision des Français sur l’Afrique.

Funmi Ilori a entendu parler de la polémique et reconnaît que la question l’a blessée. Mais pour elle le problème est ailleurs. Elle consacre d’ailleurs toutes ses journées à tenter de le résoudre.

Au-delà des librairies, "il y a des bibliothèques fonctionnelles, à Lagos tout du moins. Mais beaucoup ne les utilisent pas", commente-t-elle. "Il faut accompagner les enfants dès le plus jeune âge, la lecture, ça s’apprend. Dans les communautés rurales, beaucoup d’enfants n’ont jamais tenu un livre dans leurs mains." (...)

Aujourd’hui, grâce à la bourse et à des sponsors, elle a pu embaucher treize employés, acheter 1.900 livres et quatre camionnettes. Elle se rend dans quatre à six écoles chaque jour, et organise des ateliers de lecture avec des bénévoles les soirs et les weekends dans les bidonvilles, pour les enfants déscolarisés.

"Je souhaiterais voir des bibliothèques dans chaque quartier. De la même manière que les églises poussent comme des champignons, les bibliothèques devraient elles aussi pousser comme des champignons !", défend-elle.

Ses petits camions fonctionnent comme de vraies bibliothèques : les enfants choisissent un livre qu’ils liront à la maison et rapporteront la semaine d’après, après avoir rempli une feuille de lecture obligatoire. (...)

"Ce qui nous manque maintenant, c’est d’avoir plus de livres pour enfants écrits par des auteurs africains", souligne la bibliothécaire.

Chimamanda Adichie, dans une interview publiée en février dernier dans The Atlantic, regrettait que les livres qu’elle dévorait étant petite, "comme tous les enfants dans les pays anciennement colonisés", ne reflétaient pas "sa" réalité. Trente ans plus tard, le défi reste toujours d’actualité.