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le Monde
Au Mali, le centre Kanuya recueille les enfants soldats
Article mis en ligne le 28 août 2019

Depuis 1992, plus de 13 000 victimes de guerre, enrôlées par les groupes armés ou abandonnées par leur famille, ont été prises en charge à Bamako.

Fil en coton et aiguille à la main, Salamata* apprend à coudre. « Je suis en train de faire un napperon », explique-t-elle en levant la tête, face à sa formatrice. En 2018, cette adolescente ivoirienne de 16 ans était bien loin des cours de couture, de l’hébergement et du soutien psychologique que lui fournit aujourd’hui le centre Kanuya à Bamako. Un lieu qui, depuis 1992, a accueilli plus de 13 000 enfants de la rue et victimes des guerres qui ont secoué la sous-région.

En 2018, Salamata pensait réussir à emprunter le même parcours que certains de ses camarades avaient testé plus tôt. « L’aventure », comme disent les jeunes ouest-africains pour qualifier leur migration vers l’Europe. Pour Salamata, sa destination finale était la France. Mais la guerre, qui persiste au nord du Mali depuis 2012, et ce malgré l’accord de paix d’Alger signé en 2015, a mis un terme aux espoirs de vie meilleure de la jeune fille. Embarquée dans un camion avec quatre autres jeunes ivoiriens par un passeur, elle se fait enlever. Elle restera captive pendant plusieurs semaines.
« J’ai vu des viols et des morts » (...)

Depuis sa fuite au printemps, elle est prise en charge au centre Kanuya : hébergement, nourriture, formations agropastorales, cours de français et d’arabe et, surtout, soutien psychologique. Ce centre est le seul de la capitale malienne à accueillir d’anciens enfants soldats, ayant combattu au sein des groupes armés du nord et du centre du Mali. Il fonctionne en grande partie grâce au soutien de l’Unicef et de ses partenaires qui, depuis le début de l’année, ont pris en charge 250 enfants, à Kanuya et dans trois autres lieux d’accueil, au Mali. (...)

Malgré l’accord de paix de 2015, les groupes armés du nord du pays continuent à recruter des mineurs. (...)

Pour ces enfants soldats du Mali, la situation semble se dégrader au fil du temps. Selon les Nations unies, ils étaient deux fois moins nombreux à avoir été enrôlés dans ces groupes en 2017. (...)

Habituée à recevoir les enfants soldats et les victimes de guerre depuis les premiers arrivés à Kanuya, issus des guerres civiles libériennes et sierra-léonaises dans les années 1990, Bernadette Soucko, sa directrice, n’en demeure pas moins inquiète pour l’avenir des enfants résidant aujourd’hui au centre du Mali, une zone où l’insécurité ne cesse de se propager. (...)

Nous n’avons jamais connu une telle situation dans notre pays. Les groupes armés se multiplient et, en général, ce sont les enfants et les jeunes qu’ils recrutent. Actuellement, presque tous les enfants victimes de guerre que nous avons viennent du centre du Mali » (...)

Certains ne resteront au centre que quelques mois, d’autres plus de dix ans. Le temps nécessaire pour se reconstruire et tenter de reprendre leur enfance et l’école, loin des armes et des morts. (...)

« Tout ça, c’est à cause du chômage. Il n’y a pas de boulot, c’est pour cela que les jeunes rentrent dans ces groupes armés. C’est l’argent qu’on leur propose qui les trompe. »