
Plus de 1 700 morts en huit ans. Tel est le lourd tribut payé par les ouvrières du textile au Bangladesh pour fournir à bas coûts des tee-shirts ou des chemises aux grandes marques occidentales. Avec un millier de morts, la catastrophe du Rana Plaza a enfin attiré l’attention de l’opinion. Et obligé les grandes enseignes à réagir en signant un accord qui devrait faire date. De leur côté, les grandes marques françaises, comme Carrefour, qui continuent de s’abriter derrière leurs codes de bonne conduite, peinent à s’engager véritablement.
Des vêtements destinés à une marque du groupe Carrefour étaient bien fabriqués dans les ateliers du Rana Plaza, l’immeuble qui s’est effondré le 24 avril dernier au Bangladesh, ensevelissant 1 127 personnes, non loin de Dacca, la capitale du pays. « Après plus de trois semaines de recherches, nos équipes sur place ont confirmé le fait que les 3 000 ouvriers présents lors de la catastrophe travaillaient notamment pour Tex, la marque textile de Carrefour », précise Dorothée Kellou, de Peuples solidaires et du Collectif Éthique sur l’étiquette. Mais le géant français de la grande distribution nie avoir recours aux usines qu’hébergeait l’immeuble qui s’est écroulé. Se contentant d’un bref communiqué qui explique que la marque « n’avait pas de relations commerciales avec les fournisseurs du Rana Plaza ». Carrefour a cependant indiqué au dernier moment, dans la soirée du 14 mai, que le groupe rejoignait finalement les signataires de « l’accord de prévention des incendies et de sécurité des bâtiments au Bangladesh », que plusieurs poids lourds de l’habillement, tels Zara, H&M et C&A, ont signé le 13 mai. (...)
En négociation depuis 2008, l’accord prévoit de renforcer le contrôle des sous-traitants au Bangladesh, auxquels les grandes marques européennes font allègrement appel. (...)
C’est en Allemagne que se sont déroulées les dernières négociations entre les entreprises de prêt-à-porter et plusieurs organisations de défense des droits des travailleurs dans le monde. Parmi elles : l’IndustriALL Global Union, une fédération de 50 millions de travailleurs de 140 pays, mais aussi le Clean Clothes Campaign (représenté en France par le Collectif Éthique sur l’étiquette) ou encore Avaaz, une ONG internationale de cyber-militantisme. (...)
L’ampleur de la catastrophe du 24 avril, et les pressions de la société civile – un million de personnes ont signé la pétition demandant aux marques de signer cet accord – ont permis aux ONG et syndicats de faire céder les entreprises. « La décision des groupes PVH (qui possède les marques Calvin Klein et Tommy Hilfiger) et Tchibo, qui ont signé l’accord dès la fin 2012, a été essentielle dans cette avancée », souligne Peuples solidaires. Le sujet ne semble malheureusement pas prioritaire pour les marques françaises, alors que sur les étiquettes retrouvées dans les monceaux de béton du Rana Plaza, à côté des cadavres, figurent des noms tels que CamaÏeu, Auchan/In Extenso ou encore Tex, la marque textile de Carrefour. Seul le groupe Carrefour ayant finalement indiqué qu’il parapherait l’accord.
Le leader français de la grande distribution s’est longtemps défilé, s’abritant derrière sa charte éthique et les audits dont elle est la seule à connaître le contenu. (...)
Il était grand temps que les choses avancent. Le Bangladesh est en effet souvent endeuillé à cause de l’industrie du textile. Le 8 mai dernier, alors même que le macabre décompte du Rana Plaza n’est pas clos, un incendie entraîne la mort de huit personnes dans un autre immeuble de Dacca, asphyxiées par la fumée toxique de vêtements en acrylique. Présenté comme « la pire catastrophe industrielle » du pays, l’accident – prévisible – du 24 avril est à inscrire sur une longue liste de drames. « Depuis 2005, plus de 1700 personnes sont mortes en fabriquant des vêtements au Bangladesh », rappelle Dorothée Kellou. Soit une tous les deux jours. Avec à chaque fois, dans les décombres, des étiquettes de marques occidentales, qui rechignent trop souvent à reconnaître leur part de responsabilité. (...)
Deuxième exportateur mondial de produits textiles, juste derrière la Chine, le Bangladesh propose l’une des mains d’œuvre les moins chères du monde. (...)
10 à 12 heures de travail par jour, sept jours sur sept (...)