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la brique
Arrière-fumures : une omerta agricole
Article mis en ligne le 30 juillet 2013
dernière modification le 25 juillet 2013

Une mallette de biftons sous la table ? En plus du coût prohibitif du foncier agricole, les jeunes agriculteurs qui souhaitent s’installer dans la région doivent affronter des pratiques clandestines qui n’en finissent pas de favoriser les gros exploitants. Pas étonnant que de 2000 à 2007, le nombre d’exploitants soit passé de 18 000 à 13 800. Une hécatombe.

La scène se passe sur les escaliers de bois du troisième étage de la Maison Régionale de l’Environnement et des Solidarités (MRES) à Lille. Deux rédacteurs de La Brique tentent de partir discrètement d’une réunion, quand ils sont alpagués par un individu quelques marches au-dessus d’eux : « C’est vous qui enquêtez sur les "pas-de-porte" dans le Nord/Pas-de-Calais ? Parce que c’est une vraie mafia et personne n’en parle jamais. Nous on essaye depuis bien longtemps de trouver du terrain pour s’installer en tant que maraîchers, mais c’est quasiment impossible. Ça monte jusqu’à 10 000 euros l’hectare ! Et seulement pour pouvoir louer la terre ! Le jour de la transaction, les gars s’échangent des mallettes pleines de billets. Une vraie mafia, je vous dis. » Il n’en fallait pas tant pour nous mettre en appétit. Une mafia agricole dans le Nord/Pas-de-Calais ? Allons-y. (...)

Payer le « pas-de-porte » consiste pour un agriculteur à verser une somme d’argent plus ou moins élevée pour racheter le bail d’un terrain agricole à l’ancien locataire. Une sorte de rachat du fonds de commerce, directement de l’agriculteur sortant à l’agriculteur entrant. Et dans le Nord/Pas-de-Calais où 80% des terres agricoles sont en location, il est un des chaînons importants dans la question du foncier et de l’accès à la terre pour les jeunes agriculteurs. Le prix des terrains atteint des sommes tellement déconnectées de la réalité que les jeunes prétendant-es à l’installation passent davantage de temps dans les files de Pôle emploi qu’à planter choux et carottes. Beaucoup abandonnent. (...)

La pratique de l’arrière-fumure est-elle aux mains d’une mafia ? Ce n’est pas si simple. Sortir du mutisme, épingler ceux qui en profitent et combattre politiquement la spéculation et l’agriculture intensive, voilà quelques-unes des pistes qu’on nous a soufflées durant l’enquête. Car aujourd’hui, ce qui se dessine pour l’agriculture de la région Nord/Pas-de-Calais, c’est un découpage de la terre en grandes latifundias [3] dirigées à distance par des sociétés cotées en bourse, cultivées par des tracteurs-drones et produisant de la merde qu’on ira s’arracher chez Auchan. À quand un grand mouvement des paysans sans terre dans le Nord/Pas-de-Calais ? (...)