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Le JDD
« Appliquons la vraie taxe carbone »
tribune de Maxime Combes et quatorze cosignataires
Article mis en ligne le 17 décembre 2018

Maxime Combes, économiste et membre d’Attac, ainsi que quatorze cosignataires rédigent une tribune où ils proposent rendre la fiscalité carbone plus juste qu’elle ne l’est en taxant les sites industriels les plus polluants.

"L’annulation des hausses de taxe sur les carburants initialement prévues au 1er janvier 2019 n’est pas nécessairement une mauvaise nouvelle pour l’écologie et le climat. Injuste socialement et d’une efficacité plus que discutable, la taxe carbone appliquée aux seuls carburants payés par les ménages et les artisans a fait la démonstration de son impopularité, risquant d’emporter avec elle le désir partagé d’une réponse urgente face à la crise climatique. Cette annulation, qui va générer un manque à gagner de 3,7 milliards d’euros dans le budget 2019, porte pourtant en elle l’occasion d’un sursaut écologique. À condition de bousculer les intérêts des plus grands pollueurs du pays plutôt que les fins de mois des plus précaires.

L’ambition de la proposition que nous faisons ici est modeste. Elle ne permet de répondre ni aux revendications portant sur l’amélioration des conditions de vie, ni à la nécessaire résorption des inégalités fiscales et sociales actuellement au cœur de l’actualité. Elle vise à essayer de rendre la fiscalité carbone bien plus juste qu’elle ne l’est, à travers un élargissement de son assiette – sans surcoût pour les ménages et artisans – et une égalité de traitement quant au taux qui est appliqué sur les différentes sources d’émissions de carbone.

L’exécutif et sa majorité parlementaire vont en effet devoir compenser cette perte de recettes, vraisemblablement en réduisant une fois de plus des dépenses publiques socialement ou écologiquement utiles. Une voie alternative pourrait être empruntée, permettant de sanctuariser le principe de la fiscalité carbone sans introduire de surcoût pour les ménages, les artisans et les petites entreprises : il s’agirait d’instaurer une taxe carbone complémentaire portant sur les émissions de gaz à effet de serre des 1.400 sites industriels français les plus polluants, pour que chaque tonne de carbone qu’ils relâchent dans l’atmosphère soit taxée au même niveau – 44,60 euros en 2018 et 2019 – que les carburants du quotidien.

Ces sites polluants profitent en effet d’une situation avantageuse. Soumis au marché carbone européen, ils bénéficient depuis de nombreuses années de l’octroi de quotas d’émission gratuits ou à un coût bien inférieur au prix de la taxe carbone que nous payons lorsque nous passons à la pompe. (...)

Alors que le principe du "pollueur payeur" s’applique aux ménages et aux artisans, les ­industries les plus polluantes, qui accumulent pour certaines d’entre elles des profits indécents, en sont exonérées. Cette inégalité de traitement n’a que trop duré : n’est-il pas temps d’élargir l’assiette de la taxe carbone aux plus grands pollueurs et de relever le taux qui leur est appliqué ?

Une telle taxe complémentaire est possible. Elle a déjà été expérimentée par le Royaume-Uni, qui l’a appliquée aux centrales électriques afin d’inciter, avec succès, à l’abandon progressif du charbon. (...)

Cette proposition va se voir rétorquer qu’elle conduirait des sites industriels à fermer ou à se délocaliser. Cette crainte est très largement exagérée pour de nombreux sites concernés, peu soumis au risque de "fuite carbone". Pour les autres, le rattrapage pourrait être progressif et s’accompagner de mesures fiscales visant à renchérir les productions venant de pays où la fiscalité carbone serait moins élevée.

Souhaitable sur le plan de la justice fiscale, cette proposition l’est également du point de vue de l’urgence climatique. (...)

Au nom de la justice fiscale et de l’ambition écologique, nous proposons donc d’introduire cette mesure dans le projet de loi de ­finances 2019 qui va de nouveau être examiné par l’Assemblée nationale. La France s’équiperait ainsi d’un dispositif de fiscalité carbone bien plus juste et d’une bien plus grande ambition que l’existant."