
Vice-président de l’association Anticor, à l’origine de la plainte visant le président de l’Assemblée nationale Richard Ferrand, le magistrat Eric Alt fait l’objet d’une enquête de l’Inspection générale de la justice. Un collectif d’intellectuels, d’avocats et de responsables politiques dénonce, dans une tribune au « Monde », cette procédure, qui vise à empêcher les juges d’intervenir dans l’espace public.
Tribune.
Qu’on le déplore ou qu’on s’en réjouisse, le fait est là : la justice occupe désormais, dans notre pays, une place que rien dans son histoire ne laissait présager. (...)
Conçue sous Napoléon comme un corps d’officier, la magistrature fut longtemps administrée par l’exécutif et réduite à un strict rôle d’application de la loi. La seule raison d’être de ce fonctionnaire anonyme qu’était le juge était de servir cette loi voulue par un pouvoir démocratiquement élu. Cette situation singularise la France en Europe. L’avancée politique de la justice dans notre pays est lestée d’un lourd héritage, à l’inverse de l’Allemagne et l’Italie qui ont refondé leur Etat de droit après les régimes totalitaires. (...)
Or voilà que les brèches se sont ouvertes peu à peu. La figure du juge sort de son moule étatique pour se démocratiser. Il faut y voir le renouvellement des générations, la part croissante du droit dans le changement social, mais aussi le rôle d’associations ou de syndicats qui ont porté cette identité nouvelle. Alors qu’elle était tournée avant tout vers l’Etat, l’activité judiciaire s’ouvre aux débats de société. Elle n’est plus l’expression d’une voix unique, celle de la loi : elle traduit, dans le langage du droit, les voix multiples et minoritaires d’une société. Elle donne aux citoyens plaideurs le moyen de faire juger de leurs droits ; elle s’ouvre à un public large et mondialisé. (...)