
Laura Pfeiffer avait été rejugée à Lyon pour violation du secret professionnel et pour recel de violation du secret des correspondances.
La cour d’appel de Lyon a confirmé, jeudi 24 octobre, la condamnation prononcée à l’encontre de cette inspectrice du travail pour violation du secret professionnel et recel de documents confidentiels. L’arrêt rendu par les magistrats s’inscrit dans le cadre d’un très long feuilleton – souvent présenté comme « l’affaire Tefal » –, qui a éclaté il y a près de six ans, avec de multiples rebondissements devant plusieurs juridictions. Un dossier gigogne, en somme, qui a créé – et continue de susciter – de gros remous au sein du ministère du travail.
Les faits reprochés à Laura Pfeiffer portent sur des e-mails envoyés et reçus en 2013 par la direction de l’usine Tefal à Rumilly (Haute-Savoie). Ils avaient été transmis à l’inspectrice du travail par un salarié de l’entreprise, Christophe M., qui se les était procurés frauduleusement. Ces correspondances pouvaient laisser penser qu’il y avait une collusion entre les patrons du fabricant d’articles de cuisine et Philippe Dumont, le supérieur hiérarchique de Laura Pfeiffer, afin que celle-ci se montre moins rigide lors de contrôles d’entreprises.
Convaincue que son chef relayait les pressions de Tefal pour « obtenir sa tête », la fonctionnaire avait communiqué les courriels en question à plusieurs syndicats et l’affaire avait été mise au grand jour dans L’Humanité, en décembre 2013. L’industriel avait déposé une plainte contre X pour « introduction frauduleuse dans un système de traitement automatisé de données ». L’enquête avait permis de remonter à l’inspectrice du travail et à son « informateur », Christophe M. Tous deux avaient été condamnés, en première instance puis en appel – Laura Pfeiffer se voyant infliger 3 500 euros d’amende avec sursis. (...)
La notion de lanceur d’alerte ayant évolué depuis la loi Sapin II de décembre 2016, la Cour de cassation avait estimé qu’il fallait « procéder à un nouvel examen de l’affaire [Tefal] ». La condamnation de Laura Pfeiffer avait donc été annulée, en 2018, et un nouveau procès a donc eu lieu, le 12 septembre devant la cour d’appel de Lyon, qui s’est soldé par la décision rendue jeudi. (...)
pour la cour d’appel : Laura Pfeiffer aurait, par exemple, pu saisir le parquet – initiative qu’elle n’a prise que bien après les révélations dans la presse. (...)
Les magistrats trouvent par ailleurs que Laura Pfeiffer n’est pas fondée à se prévaloir de la qualité de lanceuse d’alerte, qui lui aurait permis de bénéficier d’une « irresponsabilité pénale » – autrement dit de ne pas être inquiétée par la justice. La loi Sapin II prévoit que « le lanceur d’alerte doit respecter une procédure graduée ». Tel n’a pas été le cas en l’espèce puisque la fonctionnaire a divulgué promptement les informations aux syndicats.
En outre, elle aurait dû « s’entourer de précautions particulières avant de rendre public l’objet de l’alerte », notamment en vérifiant la véracité des éléments portés à sa connaissance, ce qu’elle n’a pas fait. Enfin, « il ne peut être considéré qu’elle avait agi de manière désintéressée » dans la mesure où sa démarche « concernait sa situation personnelle et ses rapports conflictuels avec sa direction ». (...)
Cinq organisations syndicales du ministère du travail (CGT, CNT, FO, FSU, SUD) ont dénoncé, jeudi après-midi dans un communiqué commun, la « condamnation scandaleuse » de leur collègue. « Le message envoyé aux employeurs est clair : les pressions indues peuvent continuer à s’exercer dans l’impunité la plus totale », s’indignent-elles. (...)
Se disant « choqué », Me Henri Leclerc, l’avocat de la prévenue, indique au Monde qu’il va former un pourvoi en cassation. Si celle-ci ne ne lui donne pas gain de cause, il saisira la Cour européenne des droits de l’homme. (...)