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blogs de Médiapart/ Nasr Lakhsassi Enseignant, syndicaliste FSU, professeur de l’enseignement professionnel (PLP).
Adapter les formations des Lycées professionnels aux besoins locaux : pourquoi est-ce dangereux ?
#enseignementProfessionnel
Article mis en ligne le 9 novembre 2022

C’en est quasiment fini de la spécificité du Lycée Professionnel et de la formation de l’Homme, du travailleur et du citoyen. Emmanuel Macron veut que le LP s’adapte aux besoins des entreprises locales et donc aux aléas de l’économie de marché ! Cette évolution est extrêmement dangereuse pour l’avenir de nos jeunes.

L’analyse de Christian Sauce.

En déplacement aux Sables d’Olonne le 13 septembre, Emmanuel Macron a déclaré vouloir une (énième) « transformation profonde de la voie professionnelle », quitte à « fermer certaines sections et en ouvrir d’autres pour répondre aux besoins des entreprises locales. »1 Cette déclaration est une suite logique à ce qu’il déclarait pendant la campagne présidentielle : « Les lycées professionnels seront davantage ouverts à l’apprentissage et aux entreprises locales. On va changer la logique des formations…On va planifier les besoins de compétences en les territorialisant. »2

Voilà qui est marqué au coin du bon sens. Il faut en finir avec cette gabegie : un lycée professionnel de la mer implanté à Saint-Michel de Maurienne (73) et un lycée professionnel des métiers de la montagne installé à Gujan-Mestras (33) !! Cela vous surprend et vous avez raison car c’est bien sûr l’inverse qui existe dans la réalité ! Jusqu’à ce jour, les équipes pédagogiques, leur administration, les Régions, n’étaient pas complètement idiotes pour prendre des décisions aussi stupides !

C’est ainsi que l’on trouve des lycées professionnels du bois et de l’ameublement dans les régions forestières, de l’horlogerie dans la région de Besançon, du nucléaire à Blaye, de la logistique autour des grandes métropoles, de la cuisine et de l’hôtellerie dans les régions touristiques, de la mode à Paris, Lyon, Bordeaux, Toulouse…Et ainsi de suite. Plus d’un millier de lycées professionnels ou de sections professionnelles répartis dans toute la France et qu’il n’a pas toujours été facile de défendre et de promouvoir dans le développement de l’économie locale tant sont nombreux les freins pour ouvrir de nouvelles sections professionnelles en LP !

Les lycées professionnels sont donc bien implantés dans l’économie locale et régionale. Alors pourquoi vouloir sans cesse les « réformer en profondeur » ? Pourquoi parler de « gâchis » alors qu’ils répondent le plus souvent à des besoins de formation de nos territoires et du pays ? Parce que l’idéologie libérale veut les casser, les éliminer, afin que gouvernement et patronat aient les mains libres quant à l’organisation de la formation professionnelle en France ! (...)

pour en finir avec les diplômes nationaux : le CAP, le Bac Pro voire le BTS. Et ça existe déjà dans l’éducation nationale : cela s’appelle des FCIL, formations complémentaires d’initiative locale ! En voilà les objectifs : « Une formation rapide et unique, la seule dans son genre : elle permet d’acquérir une qualification plus pointue dans un secteur en rapport avec le marché local ou régional. Elle répond aux besoins spécifiques des collectivités ou des entreprises du coin. Autrement dit, il n’existe pas de FCIL nationale : elle dépend de l’endroit où vous vous trouvez en France. Attention, une FCIL n’est reconnue que dans la région où elle a été obtenue. Elle ne délivre pas de diplôme mais une attestation qui prouve que vous avez bien fait la formation. » 3

Exactement ce que souhaite Emmanuel Macron ! Certes, pour le moment elles sont « complémentaires » et font donc suite à un diplôme national. Mais ce n’est pas obligatoire : « Certaines d’entre elles n’exigent aucun diplôme particulier. »4 Vous imaginez aisément la suite ! (...)

Les « réformes » successives du lycée professionnel n’ont fait que le déstructurer pour mieux le détruire : moins d’établissements, moins de sections professionnelles, moins d’élèves, moins d’heures d’enseignement, moins de moyens financiers, moins d’enseignants ! Ne reste qu’un obstacle à surmonter pour que ce gouvernement libéral et les branches professionnelles parviennent à leurs fins et gèrent comme ils l’entendent la formation professionnelle…et le fric de dingue qui gravite autour : en finir une fois pour toutes avec les diplômes nationaux dans l’enseignement professionnel et la formation professionnelle !!

Une fois encore, ce seront les enfants des classes populaires qui vont être grandement pénalisés ! S’il n’y a plus de diplômes nationaux, s’il n’y a que des certifications de branches professionnelles ou des attestations de formation, il n’y aura plus aucune protection pour les salaires et les progressions de carrière. Finis les acquis sociaux. Nos jeunes seront livrés à la concurrence et aux aléas du marché. Faudra se vendre et pour cela bien entrer dans les clous du libéralisme. Un jeune, une solution, ou pas !

Heureusement, il restera toujours quelques pédagogues pour leur apprendre à traverser la rue…

(...)