
Un accord sur la sécurité face aux incendies dans les usines textiles du Bangladesh a été signé entre syndicats, ONG et plusieurs marques de vêtements et enseignes de la grande distribution. Que prévoit cet accord ? Est-il véritablement contraignant pour les grandes entreprises et leurs sous-traitants ? Permettra-t-il d’éviter de nouvelles tragédies mortelles ? Et pourquoi une seule grande entreprise française s’est-elle engagée ?
(...) Côté français, seul Carrefour, n°2 de la grande distribution dans le monde, a rejoint l’initiative. Selon nos sources, Auchan serait en train d’étudier l’accord ; des contacts auraient été établis avec Décathlon et Go Sport ; Leclerc n’aurait jamais répondu aux sollicitations pour rejoindre les négociations.
Le Bangladesh est le troisième fournisseur de l’Union européenne en articles d’habillements et de textile, derrière la Chine et à jeu égal avec la Turquie. Il aura fallu attendre les 1 127 morts de la tragédie du Rana Plaza, l’immeuble abritant des ateliers de confection travaillant pour des marques occidentales qui s’est effondré au Bangladesh, pour que ces négociations aboutissent. Preuve que la « responsabilité sociale des entreprises » (RSE), basée sur une démarche volontaire des grands groupes, selon leurs propres critères, ne permet pas de réelles avancées en matière de sécurité et d’amélioration des conditions de travail. (...)
L’accord, dont Basta ! s’est procuré une version, « couvre l’ensemble des sous-traitants fabriquant des produits pour les compagnies signataires ». Soit « plus de 1 000 usines d’habillement au Bangladesh », selon le Collectif Ethique sur l’étiquette et Peuples solidaires, membres français de la campagne « Clean Clothes ». Ces sous-traitants devront se soumettre à des inspections indépendantes et mettre en œuvre des formations de leurs employés pour prévenir les incendies. Avec un objectif : que le nombre de fournisseurs inspectés chaque année soit au moins équivalent à 30% du volume de production de chacune des 31 marques signataires au Bangladesh.
Ces inspections et formations de terrain seront coordonnées par un comité de pilotage (« Steering committee »), paritaire entre multinationales signataires et syndicats. Ce comité sera lui-même chapeauté par une sorte de haute autorité, composée du ministère bangladeshi du Travail et de l’Emploi, de l’Organisation internationale du travail (OIT), et de la Société allemande pour la coopération internationale (GIZ), l’équivalent allemand de l’Agence française du développement. L’agence fédérale, sollicitée pour animer les négociations, prêtera d’ailleurs des locaux. Les entreprises signataires abonderont un fonds, proportionnellement à leurs volumes de production textile au Bangladesh (plafonné à 500 000 dollars par an et par signataire), qui financera le fonctionnement du programme et les inspections indépendantes. (...)
Des comités de prévention de la santé et de la sécurité seront créés dans chacune des usines concernées. (...)
En cas de litiges, ou de non respect de l’accord, c’est la justice du pays de l’entreprise donneuse d’ordre (et non du Bangladesh) qui tranchera, en vertu de la Convention de New York pour l’arbitrage des conflits commerciaux internationaux signée dans le cadre de l’Onu. (...)
« C’est un accord novateur et historique », se réjouit Fanny Gallois, de Peuples solidaires. « Il prouve qu’il est possible de réguler les activités des entreprises, à un moment où nous sommes confrontés à une difficile prise de conscience du gouvernement sur le sujet. » Un gouvernement français étonnamment silencieux, alors que des étiquettes de marques françaises auraient été retrouvées dans les décombres du Rana Plaza. (...)
Cet accord comporte cependant des limites : il ne concerne que le risque incendie et le secteur du textile du Bangladesh. Alors que d’autres pays « sous-traitants » commencent à connaître des problèmes similaires, comme le Cambodge, où l’effondrement d’un toit d’une usine de chaussures, sous-traitante d’un groupe japonais, a causé deux morts le 16 mai, puis d’un bâtiment d’une usine textile, travaillant notamment pour H&M, a provoqué plusieurs blessés le 20 mai [2]. (...)